Il a dû sentir subconsciemment que la nature serait le vrai cadre de la plupart de ses fables et qu’il pourrait donner, dans ce genre-là, toute liberté à ses instincts de forestier, de villageois, de rustique sincère et impénitent. Il a senti surtout, dernière raison, qu’il était un génie très libre, très indépendant, aimant infiniment ses aises, aimant ses coudées franches dans le genre qu’il adopterait, et qu’il serait tout à fait à l’aise dans la fable, qu’il y mettrait ce qu’il voudrait. […] Vous voyez qu’un génie indépendant et qui voulait l’être, ou qui l’était instinctivement et inconsciemment, qu’un génie indépendant et qui très probablement tenait à l’être, se sentait d’avance plus libre dans la fable, dont personne n’avait tracé les règles, que dans tout autre genre. […] » Et les autres, qui ne sont pas l’éléphant, ne se sentent point ridicules non plus. […] Les animaux sentent le besoin de se secourir les uns les autres.
Il faut que l’auditeur ait réfléchi ou senti avec énergie ou délicatesse pour entendre des pensées énergiques ou délicates, et jamais Hamlet ou Iphigénie ne toucheront un viveur vulgaire ou un coureur d’argent. […] Pareillement, dans les meurtres, faites-moi sentir la flamme des passions grondantes, l’accumulation de désespoir ou de haine qui ont lancé la volonté et roidi la main ; quand les paroles effrénées, les soubresauts du délire, les cris convulsifs du désir exaspéré, m’auront fait toucher tous les liens de la nécessité intérieure qui a ployé l’homme et conduit le crime, je ne songerai plus à regarder si le couteau saigne, parce que je sentirai en moi, toute frémissante, la passion qui l’a manié. […] On sent chez lui les vicissitudes tragiques de la lutte, le progrès d’un sentiment, la défaite des résistances, l’afflux lent du désir ou de la colère, jusqu’au moment où la volonté redressée ou séduite se précipite soudainement d’un seul côté. […] Le soldat victorieux, rouge de blessures qu’il ne sent pas, salue de ce nom son général. […] Or were these gems sent to adorn his skin, The cabinet of a richer soul within ?
On sent, à quelques mots qui lui échappent, à certaines brusqueries presque involontaires, qu’il règne sous cette douceur un peu sauvage, à laquelle la plus exacte bienséance préside, une énergie puissante de retenue, et capable, si on la heurtait, de rude défense. Et l’autre sœur, qui, plus brave et aventurière, émancipée de bonne heure, s’est ruée dans les hasards du monde, dans le tourbillon et la fange des capitales, qui n’a eu peur ni des goujats des camps, ni des théâtres obscènes, ni des rues dépavées, et qui, le front débarrassé de vergogne et la grosse parole à la bouche, s’est faite honnête homme cynique, n’espérant plus redevenir une vierge accomplie, ne la prenez pas trop au mot non plus, je vous conseille ; ne croyez pas trop qu’elle se plaise à cette corruption dont elle nous fait honte, à cette nausée éructante qu’elle nous jette à la face pour provoquer la pareille en nous, à cette lie de vin bleu dont elle barbouille exprès son vers pour qu’il nous tienne lieu de l’ilote ivre et qu’il nous épouvante ; osez regarder derrière l’hyperbole étalée et échevelée par laquelle, égalant la luxure latine, elle divulgue sans relâche et le plus effrontément la plaie secrète de ce siècle menteur, tout plein en effet de prostitutions et d’adultères ; osez percer au delà de cette monstrueuse orgie qu’elle déchaîne en mille postures devant nous, — et vous sentirez dans l’âme de cette muse une intention scrupuleuse, un effort austère, un excès de dégoût né d’une pudeur trompée, une délicatesse dédaigneuse qui, violée une fois, s’est tournée en satirique invective, une nature de finesse et d’élégance, que l’idéal ravirait aisément et qui ne ferait volontiers qu’un pas de la Curée au monde des anges. […] Ce qu’il dit de l’infection, de la lubricité des théâtres, de l’enfant vicieux et flétri des grandes villes, de la populace des ateliers et de celle des antichambres, n’a rien que d’exact, et, tant que les maux ne seront pas guéris, tant qu’ils seront méconnus et niés, une sorte de convenance supérieure commandera à qui les sent de les révéler au vif et de ne les enjoliver en rien. […] J’introduis dans cette édition quelques articles de date ancienne que je n’avais point recueillis tout d’abord dans les volumes de Portraits contemporains : c’étaient, à proprement parler, des articles d’annonce, et en partie de citations, le coup de trompette y domine, mais aussi on y sent quelque chose du premier entrain et du souffle qui animait toute notre jeune génération au moment du départ pour la poétique croisade.
Il n’est aucune âme tant soit peu délicate et cultivée qui ne se sente émue à l’aspect de certaines scènes de la nature ou au spectacle de certains événements historiques. […] Plus de divagations alors, plus d’exagération ; il ne perd point de vue, il n’altère point ce qu’il sent ; le tableau se compose sans efforts, et chaque idée apporte avec elle sa couleur. […] Quel poète, au fond du cœur, n’a senti murmurer cette plainte, qu’une muse brillante n’a point rougi de confier à M. […] C’est qu’il a senti combien devant l’impuissance humaine, il valait mieux encore se résigner que se débattre : là où il a désespéré d’être excellent, il a mieux aimé rester un peu faible, en voilant sa faiblesse d’une molle et noble douceur, que de s’épuiser en vains efforts pour retomber de plus haut.
Le reste n'est qu'un Recueil de sentences rimées, & rendues assez exactement dans le goût des Torva Mimalloneis implerunt cornua bombis, dont Perse a si bien fait sentir le ridicule. […] Thomas ne cherche qu'à moraliser ou à peindre, & ne paroît point sentir. […] Cette puissance doit se sentir, en effet, assez affoiblie, pour songer à convoquer l'arriere-ban. […] Puisqu'il paroît si disposé à profiter des leçons qu'on lui donne, nous l'inviterons à porter les derniers coups au vice radical, qui sera toujours l'ennemi de ses talens, c'est-à-dire, à se défaire de cette morgue philosophique dont il ne paroît pas encore sentir assez les travers ; à se persuader qu'il ne saura jamais bien écrire, que quand sa diction sera pleinement modeste & naturelle ; que ce n'est pas être lumineux, que de s'attacher à des pensées plus compliquées que nettes & animées ; que ce n'est pas être élégant, que d'employer des tours pénibles & des expressions étrangeres aux idées ; que c'est être bien loin de l'éloquence, que de n'avoir que cette espece de sentiment qui naît de l'imagination, & non celui dont la source est dans le cœur.