Mais le sentiment que Jésus a introduit dans le monde est bien le nôtre. […] L’Église a eu ses époques et ses phases ; elle s’est renfermée dans des symboles qui n’ont eu ou qui n’auront qu’un temps : Jésus a fondé la religion absolue, n’excluant rien, ne déterminant rien, si ce n’est le sentiment. […] Quelles que puissent être les transformations du dogme, Jésus restera en religion le créateur du sentiment pur ; le Sermon sur la montagne ne sera pas dépassé. […] Prenons un sentiment plus large des pouvoirs que la nature recèle en son sein.
Je serais la plus heureuse personne du monde dans un pays où, pour peu qu’on ait de grandeur on en a toujours plus que de bonheur… J’ai beau renoncer à tous mes goûts, à tous mes sentiments, on m’accuse de choses horribles. » Plus loin : « On fera la Saint-Hubert à Villers-Cotterets ; on m’a donné 400 louis pour mes habits. » Ces lettres sont postérieures à l’établissement des enfants à Versailles, c’est-à-dire à 1674. […] Les choses terribles c’étaient des scènes de jalousie : les choses horribles qui étaient imputées à la gouvernante, c’était d’employer l’art, le manège, l’intrigue d’une femme galante pour séduire le roi ; tandis qu’elle renonçait pour la paix à tous ses goûts, à tous ses sentiments. […] Il faut s’éclaircir de leurs vrais sentiments à mon égard en leur proposant quelque chose de présent et de solide… Je veux que madame de Richelieu voie la froideur et l’indifférence de madame de Montespan sur tout ce qui regarde mes affaires essentielles. » Une lettre, datée de Versailles, le 6 août, au même abbé Gobelin, ne laisse aucun doute sur la brouillerie des deux dames, et sur sa cause, et sur la mauvaise humeur qu’en avait prise le roi, fatigué de leurs altercations. […] « Je ne sais si vous êtes content de cet établissement » (de cette dot pour mon établissement) ; « pour moi je le suis, et je changerai bien de sentiment si jamais je leur demande un sou.
Elle se laisse prendre naïvement, soit ; mais c’est le sentiment même de son irresponsabilité, de son impersonnalité, qui donne une certaine valeur à ses enthousiasmes : elle ignore les arrière-pensées, les arrière-fonds de mauvaise humeur et d’égoïsme intellectuel, les préjugés raisonnes, plus dangereux encore que les autres. […] Ces vertus, nécessaires au philosophe, le sont bien plus encore au critique littéraire, car le sentiment a en littérature le rôle prédominant. […] Au contraire, dans un simple regard de la personne aimée vous verrez jusqu’à son cœur, avec la diversité infinie des sentiments qui s’y agitent. […] Elle parle moins à notre jugement qu’à nos sentiments de sympathie et de sociabilité.
Les uns pensent qu’il n’y a pas de christianisme sans un dogme chrétien : c’est ce qu’on appelle le protestantisme orthodoxe ; les autres pensent que le christianisme consiste dans l’esprit et dans le sentiment chrétien et non dans un dogme déterminé : c’est le protestantisme libéral. […] Les spiritualistes que j’appellerai libéraux sont loin d’être animés de mauvais sentiments à l’égard des religions positives : ils respectent et ils aiment la conviction partout où ils la trouvent, et ils sont loin de renier ce qu’il y a de commun dans leurs croyances personnelles et dans les croyances chrétiennes. […] Enfin, nés et élevés dans le christianisme, ils conservent et conserveront toujours pour cette grande religion des sentiments filiaux ; mais ils ont aussi pour la philosophie des sentiments filiaux, et ils ne sont pas disposés autant que leurs amis à mettre au service d’une puissance rivale leur liberté intellectuelle.
Les sentiments tendres, simples et naturels, faits pour nous intéresser partout où ils se trouvent, n’ont pas besoin, pour augmenter cet intérêt, d’être attachés au nom d’Idylle ; pour remplir et pénétrer l’âme, il leur suffit d’être exprimés tels qu’ils sont ; les prairies et les moutons n’y ajoutent rien. […] En un mot, quand on prend la peine de lire des vers, on cherche et on espère un plaisir de plus que si on lisait de la prose ; et des vers durs ou faibles font au contraire éprouver un sentiment pénible, et par conséquent un plaisir de moins. […] Par la même raison, quoiqu’on reconnaisse tout le mérite de la poésie d’image, quoique dans la jeunesse, où tout est frappant et nouveau, on préfère cette poésie à toute autre, on lui préfère dans un âge plus avancé la poésie de sentiment, et celle qui exprime avec noblesse des vérités utiles. Le poète qui n’est que peintre, traite ses lecteurs comme des enfants de beaucoup d’esprit ; le poète de sentiment, ou le poète philosophe, traite les siens comme des hommes.