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1908. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Malouet, dans ses Lettres sur la Révolution, publiées en 1792, s’était contenté de dire, en racontant seulement la première tentative de Mirabeau en mai 1789 : « Là finissent nos relations, et j’ai été deux ans sans lui parler ; mais, peu de temps avant sa mort, ayant encore été provoqué par lui à une explication sur sa conduite dans la dévolution, qui m’avait bien souvent indigné, il me rappela cette anecdote, et me montra des sentiments dont il faudrait pouvoir citer les preuves et les témoins, pour être cru. » (4e Lettre.) […] J’étais en ce temps-là rempli d’horreur pour l’esclavage dans les Indes occidentales et pour le commerce des esclaves, et l’Histoire de Haynal n’avait pas peu aidé à fortifier en moi ces sentiments ; mais, quand je vins à l’aborder sur ces sujets, il me parut si froid et si indifférent, que je conçus de lui une opinion tout à fait défavorable. […] Ce n’est point seulement par ce discours, dont le thème philosophique était « les vérités et les sentiments qu’il importe le plus d’inculquer aux hommes pour leur bonheur », que le nom de Bonaparte se trouve à bon droit rattaché au souvenir de l’abbé Raynal : le jeune lieutenant d’artillerie, dans sa première veine d’enthousiasme, avait désiré connaître le célèbre écrivain et lui avait rendu visite en passant à Marseille.

1909. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Abandonné alors à une accablante apathie, totalement dépourvu d’idées, de sentiments et de ressorts, tout me devint à charge, la prière, l’oraison, tous les exercices de piété, et la lecture, et l’étude, et la retraite, et la société ; je ne tenais plus à la vie que par le désir de la quitter, et mon cœur éteint ne trouvait une sorte de repos léthargique que dans la pensée du tombeau. » Je sais tout ce qu’il faut rabattre de ces descriptions désolées où se complaît involontairement la plume qui s’y exerce, et qui s’essaye déjà à l’éloquence ou à la déclamation publique sans s’en douter ; mais elles sont trop habituelles et trop opiniâtres chez La Mennais pour n’être pas significatives. […] La vue de ces champs qui se flétrissent, ces feuilles qui tombent, ce vent qui siffle ou qui murmure, n’apportent à mon esprit aucune pensée, à mon cœur aucun sentiment. […] Quand il fit volte-face et qu’il changea subitement de sentiments et de parti, il erra au hasard d’abord, de manière à faire peine et pitié même à quelques-uns de ceux dont il se trouvait devenu l’allié et qui admiraient le plus sa vigueur et sa portée d’intelligence.

1910. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Un négociateur animé d’un plus vif sentiment national eût, certes, fait en sorte d’obtenir mieux de la bienveillance d’Alexandre, très porté pour la France à cette époque, et il eût au moins disputé le terrain pied à pied ; mais un tel négociateur ne pouvait se trouver alors dans la ligne et dans le rôle de M. de Talleyrand. […] Il entre bien du courage, et de l’élévation de sentiments aussi, dans toute grande ambition politique. […] Talleyrand, si sagace qu’il fût, mais trop étranger au sentiment de la pudeur publique qui seule, et au défaut même de la prudence politique, aurait dû l’avertir, ne se dit point alors que c’était trop de deux à la fois, que la double pilule était trop amère pour l’estomac de la légitimité, et qu’une réaction prochaine inévitable devait les revomir l’un et l’autre.

1911. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Valmore, qui faisait partie du même théâtre et qui s’était pris pour elle du sentiment le plus sérieux et le plus profond62. […] annonçait à Mme Valmore qu’il venait d’autoriser le directeur à résilier son engagement pour l’année 1819-1820 ; on y sent la considération qu’elle inspirait partout autour d’elle : « Mille grâces, Madame, de votre charmant cadeau ; ce que je connaissais de vos ouvrages m’en rend la collection infiniment précieuse ; leur cachet particulier est la peinture de douces et modestes vertus, d’une exquise sensibilité et des sentiments les plus nobles, les plus purs, en un mot de ces sentiments que votre jeu reproduit avec tant de vérité et de naturel sur la scène.

1912. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Ce préservatif contre un sentiment d’amour en présence d’une jeune femme qui excitait l’admiration fut précisément ce qui fit la solidité et le charme de notre amitié. […] Je ne promets pas de me rendre aveuglément à toutes vos critiques (quoique vous en soyez trop avare avec moi) : nous avons tous une partie de nous-même en jeu dans nos œuvres, et nous tenons souvent autant à nos défauts qu’à nos qualités ; mais un lecteur éclairé voit mieux que nous, quand nous rendons bien ou mal nos idées les plus personnelles, et nous empêche de donner une mauvaise forme à nos sentiments. […] Aussi l’on ne s’étonnera point que Mme Sand, ayant parlé de moi dans ses Mémoires d’une manière très-flatteuse et affectueuse, je lui aie écrit, pour la remercier, la lettre suivante, qui se rejoint bien aux confidences anciennes et qui résume mes sentiments : « Ce 10 août 1855.

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