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889. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

« La vie organique s’exprime directement par les besoins et appétits, matière de la vie affective ; la vie animale, par les sensations, matière de la vie intellectuelle. » Notre intelligence est le déploiement éclatant et sonore des forces profondes et sourdes de notre vie sensationnelle. […] Supposez un aveugle-né, doué du sens artiste ; il caressera de même un morceau de sculpture et ce sera bien sa sensation de tact qui sera belle. […] Cependant il est certain, en gros, que seules les sensations de la vue et de l’ouïe sont qualifiées belles ou laides, et que celles du goût, de l’odorat et du tact sont qualifiées seulement d’agréables ou de désagréables. […] Mais il y en a beaucoup qui sont d’un grand intérêt, et la physionomie de Daudet travailleur, observateur, lecteur et réfléchissant sur ses lectures, guetteur de sensations et réfléchissant sur ce qu’il a senti, s’en dégage encore fort curieusement et fournit un supplément très utile à la connaissance qu’on a de lui. […] Tout d’une traite, pour avoir la sensation de l’ensemble ? 

890. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Les bals des Tuileries donnaient à Eugène Delacroix une sensation d’« abjection dorée8 ». […] Alors, en ses loisirs trop brefs, il jouait avec les mots, de façon à tirer de leurs harmonies une perception visuelle, une sensation de couleur. […] si l’enfer existe, il doit être fait de sensations pareilles. […] Études et portraits . —  Sensations d’Italie […] En 1891, Paul Bourget publia ses Sensations d’Italie.

891. (1923) Nouvelles études et autres figures

Il ne s’arrête point sur sa route pour cueillir ses sensations et pour en décrire la délicatesse et la beauté. […] Il donnait la sensation d’un être qui n’appartient pas tout à fait à notre monde. […] Ses personnages sont fabriqués, conventionnels, guignolesques ; ils disent des choses invraisemblables ; ils n’appartiennent ni à leur pays ni à leur temps, ni a aucun temps ni à aucun pays ; mais autour d’eux vous avez, plus ou moins forte, la sensation d’un pays et d’un temps. […] Il remplace le plus possible l’image par l’émotion ; et l’épithète morale prolonge la sensation que l’épithète de couleur circonscrit et emprisonne. […] On est monotone quand on se répète ; on ne l’est pas quand on dégage d’une pensée, d’un sentiment, d’une sensation, tout ce qu’ils contiennent.

892. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

On goûte, en deux heures, des sensations extrêmes ; car on peut dire qu’il y a un abîme entre la musique de Massenet et les vers de Leconte de Lisle. […] La voici : « J’adore la terre, les vastes champs d’un seul tenant et dont je serais propriétaire ; écraser du talon une motte en lançant un petit jet de salive, les deux mains à fond dans les poches, voilà une sensation saine et orgueilleuse. »   Paris, 30 mai. […] J’ai l’air de ne garder que les contemporains ; mais, en réalité, je garde les anciens aussi, puisque nos meilleurs livres, les plus savoureux et les plus rares, sont forcément ceux qui contiennent et résument (en y ajoutant encore) toute la culture humaine, toute la somme de sensations, de sentiments et de pensées accumulés dans les livres depuis Homère, et puisque ceux d’à présent sortent de ceux d’autrefois et en sont la suprême floraison… Mais je suis bien bon de me donner tant de mal. […] Voir glisser lentement ces petites filles dorées, tout en mangeant des choses de là-bas, très épicées et de saveur bizarre, cela fait, je vous assure, un très agréable composé de sensations. […] D’ailleurs, à cette distance (l’arène est très vaste et l’amphithéâtre très élevé), sous cette lumière dévorante d’un grand soleil d’été, parmi cet immense bourdonnement de la foule, où se perdent les mugissements et les cris, le spectacle même d’un homme ou d’un cheval éventré ne doit plus donner qu’une sensation visuelle presque aussi purement pittoresque, aussi affranchie du ressouvenir de la douleur physique, que si le même objet nous était offert dans un tableau de Fortuny ou de Henri Regnault.

893. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Notre imagination ne saurait rien concevoir de plus malheureux que des êtres pourvus de sensation, c’est-à-dire pouvant éprouver le plaisir et la peine, quand ils sont privés du pouvoir de fuir l’un et de tendre vers l’autre. […] Par conséquent nous ne pouvons juger des sensations des hommes et des animaux que par leurs mouvements. […] Des impressions physiques sur les nerfs sensitifs ou des impressions morales, des sensations douloureuses ou des sensations de volupté, conduisent au même résultat et amènent l’arrêt du cœur. […] On sait que par sa volonté l’homme peut arriver à dominer beaucoup d’actions réflexes dues à des sensations produites par des causes physiques.

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