Mais nous ne lui en savons que d’autant plus gré : ce nous avoir ménagé, au milieu de banals applaudissements et de nos propres sensations suraiguës, ces bonnes et innocentes joies de « délicats ». […] On peut étendre à l’infini le degré, la forme des sensations qu’il est possible d’éprouver à l’audition de Tristan. […] En abordant Tristan de plus près, nous verrons de suite les déplorables effets de cet alanguissement des sensations artistiques qui fait qu’en chaque chose nous cherchons à orienter nos jugements d’après des théories. […] A la fin de ce même premier duo, par exemple, il y a soudainement un pianissimo et nous percevons très bien les mots qui résument, autant que cela se peut, les sensations de Tristan et d’Isolde à ce moment : « Oh désir, non illusoire, mais délicieusement conscient, de ne plus jamais nous réveiller. » II en est de même du second duo : « Ainsi nous mourûmes, pour ne vivre que pour l’amour, inséparés, unis à jamais, sans fin, sans réveil, sains crainte, sans nom dans le sein de l’amour, livrés tout à nous-mêmes »91. […] La sensation, même superficielle, de la musique de Parsifal nous amène devant un monde de douleur et de péché ; la teinte triste et recueillie du prélude, cet espoir, au milieu de la souffrance, d’un sauveur attendu nous donne déjà le sens général de l’œuvre.
Son délire, ce délire particulier aux maladies du cerveau, et qui fait, aux vieux comme aux jeunes, repasser, dans les dernières heures de l’agonie, les sensations de leur vie — son délire était à la fois doux et déchirant. […] Cet enfant n’était pas plus intelligent, pas plus spirituel qu’un autre, mais cet enfant avait une faculté que je n’ai jamais rencontrée, poussée à ce développement chez aucun autre : la faculté de la sensation. […] ……………………………………………………………………………………………………… Par ces altitudes sans arbres et sans herbes, par la nuit qui commençait à tomber, par ces ténèbres éclairées de la blancheur de l’écume des gouffres, ce sentier d’abîmes, avec ses ponts du Diable, avec ses tours et ses détours sans fin dans les anfractuosités du rocher plein d’horreur, me donnait la sensation d’une terre finissante, à l’entrée d’un monde inconnu. […] Les sensations dans cette barque, par les heures crépusculaires, n’appartiennent plus, pour ainsi dire, aux sensations du jour et de l’éveil.
Aujourd’hui tout Paris ayant été informé, par les journaux, du malheureux événement qui avait fait hier, parmi ses amis, à la Chambre et dans quelques lieux publics, une sensation si vive, tout Paris s’en est ému.
Elle est une cariatide froncée, écrasée, et bien ennuyée de porter son lourd entablement ; et le pis de tout cela, c’est qu’on est de son avis et qu’on partage sa sensation, à cette cariatide !
Paul Bourget, pour Byron, dont il descend par les sensations et par les sentiments, est assez grand et assez résolu pour ne pas souffrir d’un jugement qui le rapproche même pour le diminuer, du grand poète qu’il admire le plus.