Pour moi, il n’était pas né pour être nettement et absolument supérieur dans l’ordre de la pensée comme il eût pu l’être dans l’ordre de la sensation et du sentiment. Or, cet ordre de la sensation et du sentiment, l’aurait-il jamais mieux trouvé que dans le mal physique et moral qui l’a dévoré avant l’heure ? […] Cela ne vous donne-t-il pas la froide et tragique sensation des vers de Chénier ?
Charles De Rémusat31 I Nous venons d’avoir une sensation sur laquelle nous ne comptions pas. […] C’est peut-être la première fois de sa vie que Charles de Rémusat, ce modèle d’esprit effacé, aura donné à quelqu’un quelque chose d’aussi précis qu’une sensation. […] Eh bien, voici la sensation inattendue que nous donne Rémusat !
Je le tiens aussi pour l’auteur de ce livre, signé « Vacquerie », parce que ce livre est le plus ingénieux moyen qu’ait pu inventer une vanité aussi vaste, aussi profonde et probablement aussi blasée sur toutes les formes de l’admiration que doit l’être celle de Hugo, pour se donner la sensation dernière d’un coup d’encensoir qu’il puisse sentir encore, après en avoir tant recul II fallait, par Dieu ! […] rajeunir la sensation vieillie d’Olympio ! […] C’est une sensation indicible.
C’est un de ces matérialistes raffinés et ambitieux qui ne conçoivent guère qu’une perfection matérielle, — et qui savent parfois la réaliser ; mais par l’inspiration il est bien plus profond que son école, et il est descendu si avant dans la sensation, dont cette école ne sort jamais, qu’il a fini par s’y trouver seul, comme un lion d’originalité. Sensualiste, mais le plus profond des sensualistes, et enragé de n’être que cela, l’auteur des Fleurs du mal va, dans la sensation, jusqu’à l’extrême limite, jusqu’à cette mystérieuse porte de l’infini à laquelle il se heurte, mais qu’il ne sait pas ouvrir, et de rage il se replie sur la langue et passe ses fureurs sur elle. […] Au point de vue de l’art et de la sensation esthétique, elles perdraient donc beaucoup à n’être pas lues dans l’ordre où le poète, qui sait bien ce qu’il fait, les a rangées.
Ce bourgeois positif et raisonnable a des sens et des sensations d’artiste : il s’intéresse aux choses extérieures, il a le don de les voir, et le don de les rendre. Il n’ajoutera rien à sa sensation : car il n’a pas d’imagination ; il réveillera exactement et représentera sa sensation. […] Sa poésie sera donc une peinture réaliste des choses extérieures qui sont situées dans le cercle de son expérience : les sensations qu’il rendra seront celles d’un bourgeois de Paris, à qui Paris est familier dès l’enfance, avec ses rues, son Palais, ses Eglises, ses bruits, son peuple, ses modes, toutes les particularités de sa physionomie et de sa vie. […] A l’expression simplement réaliste des choses extérieures et communes, Boileau a mêlé ses malices de bourgeois indévot, ses épigrammes de polémiste littéraire : il a tâché le plus souvent de mettre des idées, de l’intelligence dans ses vers, d’en pénétrer ou d’en entourer ses sensations.