Les flèches de guerre ont un dard fixe très-acéré, formé par des os d’animaux ou par du bois très-dur ; quelquefois le dard est garni d’épines disposées en sens inverse, de manière à empêcher le trait de sortir de la blessure. […] Le degré de vitalité des animaux et la rapidité de la circulation qui en est la conséquence agissent dans le même sens. […] Malgré ses efforts de volonté, il va fatalement dans le sens que la lésion organique a déterminé. […] Les lobes cérébraux ayant été enlevés chez un pigeon par exemple, l’animal perd immédiatement l’usage de ses sens et la faculté de chercher sa nourriture. […] Peu à peu, le cerveau se régénère avec ses éléments anatomiques spéciaux, et, à mesure que cette régénération s’opère, on voit les usages des sens, les instincts et l’intelligence de l’animal revenir.
La surprise des sens a tout l’air d’y devancer celle du cœur. […] Au début de ses élégies, Parny n’est que le poëte de l’éveil des sens et de la puberté, de cet âge et surtout de ces climats Où l’amour sans pudeur n’est pas sans innocence. […] Par les sombres détours d’une route inconnue J’arrive sur ces monts qui divisent la nue ; De quel étonnement tous mes sens sont frappés ! […] … Tout ce mouvement est d’une vérité profonde et d’une vraiment durable beauté ; il contraste admirablement avec l’invocation toute reposée, toute radoucie, d’une des élégies suivantes, et avec ce début enchanteur : Calme des sens, paisible indifférence, Léger sommeil d’un cœur tranquillisé, Descends du ciel ; éprouve ta puissance Sur un amant trop longtemps abusé ! […] — On a la lettre par laquelle Parny adressait sa pièce au ministre de l’intérieur, François de Neufchâteau, bonhomme de lettres, s’il en fut, qui ordonnait solennités sur solennités, lançait des circulaires en tous sens et se donnait un mouvement extraordinaire pour rendre un air de vie à cette fin de Directoire.
Zola dit, que sa mère étant morte à Médan, et que l’escalier se trouvant trop petit, il a fallu la descendre par une fenêtre, et que jamais il ne rencontre des yeux cette fenêtre, sans se demander qui va la descendre, de lui ou de sa femme : « Oui, la mort depuis ce jour, elle est toujours au fond de notre pensée, et bien souvent, — nous avons maintenant une veilleuse dans notre chambre à coucher — bien souvent la nuit, regardant ma femme qui ne dort pas, je sens qu’elle pense comme moi à cela, et nous restons ainsi, sans jamais faire allusion à quoi nous pensons, tous les deux… par pudeur, oui, par une certaine pudeur… Oh ! […] * * * — Je sens avec mes nerfs, un excellent ami, faisant son Yago, dans les sociétés qui nous sont communes, et animant contre moi les gens, avec tout ce qu’il sait apporter de démolissage à rencontre de quelqu’un, sans, pour ainsi dire, se compromettre par des paroles, — et cela toujours au nom de la sainte amitié. […] Et je pense que j’aurai alors, ainsi que l’on a la soudaine souffrance d’un mal, resté longtemps sourd, j’aurai la cruelle révélation de ma vieillesse sans femme et sans enfants, de mon isolement dans la vie ; de tout le dur de ma situation : choses que je ne sens pas, quand ma cervelle crée et me donne la compagnie des êtres d’un livre. […] Au khédive succède le duc de Ripalda, qui a longtemps voyagé dans les déserts de l’Amérique méridionale, ces déserts d’herbe qui recouvrent un cavalier et son cheval et qui nous entretient du sentiment douloureux d’infériorité, qu’on éprouve dans ces contrées, quand les Européens comparent leurs sens aux sens des Indiens. « Nous, nous sommes des aveugles, disait-il, rappelant un jour que son guide lui signalait à l’horizon, cinq chevaux avec le détail de leurs couleurs, chevaux qu’il ne voyait que quelques minutes après, et encore avec une lorgnette.
Les critiques, qui étaient des adversaires politiques, aussi bien ceux qui raillaient sa mystagogie catholique que ceux qui attaquaient sa langue, ses images, ses invraisemblances et ses absurdités, s’inclinaient cependant devant la « fille des palmiers », admirant « la musique nouvelle de la phrase… l’art de varier et de régler le cortège des épithètes… l’accord du son d’un mot avec le sens d’une idée ou la teinte d’une image… le charme inconnu des descriptions ». […] Le Romantisme ouvre l’ère du sérieux, de la mélancolie, du sentimentalisme, des images grandioses et des descriptions sensationnelles : « les ouvrages gais, prédisait Mme de Staël avec un sens de rare divination, vont être dédaignés comme de simples délassements de l’esprit, dont on conserve fort peu de souvenir ». […] La célèbre Mme Cottin, dans son premier roman publié en 1798, lu et admiré pendant un demi-siècle, en 1844 on le republiait encore, l’héroïne, « la plus sublime des femmes », Claire d’Albe écrit à son amant, le protégé de son mari, qui le traite comme un fils : « L’image de ce bonheur que vous me demandez égare mes sens et trouble ma raison ; pour le satisfaire, je compterais pour rien la vie, l’honneur et jusqu’à ma destinée future : vous rendre heureux et mourir après serait tout pour Claire : elle aurait assez vécu. » Elle se donne à son amant « abattue par les sensations… au bas de son jardin, sous l’ombre des peupliers, qui couronnent l’urne de son père et où sa piété consacra un autel à la divinité ». […] L’écrivain est rivé à son milieu social ; quoi qu’il fasse, il ne peut s’échapper ni s’isoler du monde ambiant, et ne peut cesser d’en subir l’influence à son insu et malgré lui : qu’il se plonge dans le passé ou s’élance vers l’avenir, dans l’un ou l’autre sens, il ne saurait aller plus loin que ne comportent les données de son époque. […] Sébastien Mercier, qui fut au xviiie siècle un des précurseurs du romantisme, introduisait à cette époque la métaphysique de Kant : son cerveau brouillé l’embrouillait et l’opposait au matérialisme des Encyclopédistes, que Royer-Collard devait définitivement remplacer par la plate philosophie du Sens commun bourgeois, élevé à la dignité de critérium universel par le pasteur écossais Thomas Reid.
Il croit, par exemple, que lorsqu’il s’agit de harangues & de plaidoyers, c’est peu faire que de rendre fidélement le sens du texte, mais qu’il faut encore, autant que la différence des deux langues le peut souffrir, traduire le tour que l’Orateur donne à ses pensées & à la variété de ses mouvemens. […] L’historien n’étant plus échauffé par la présence des objets, ni par les intérêts actuels qui s’éteignent avec les passions qui les font naître, ne pouvoit qu’en retracer le tableau ; mais avec quelle grandeur, quelle noblesse, quelle fierté, quelle force, quel sens, Salluste & Tite-Live tracent-ils ces peintures ? […] L’exactitude à rendre le sens d’un Orateur. 2°. […] C’étoit un homme de grand sens plûtôt qu’un homme d’esprit, ou plûtôt qu’un homme d’imagination, à prendre ces termes dans le sens qu’on y attache d’ordinaire.