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1101. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Ce ne sont pas seulement les espérances audacieuses et les confiantes rêveries de sa jeunesse qui s’humilient et s’éteignent au souffle glacial des puissances élémentaires ; toute son âme se resserre et se rapetisse : il sent bien que le dernier de ses frères pourrait disparaître de la face de la terre, sans qu’une seule feuille s’agitât sur sa branche ; il sent son isolement, sa faiblesse, le hasard de son existence, et il se hâte, avec une terreur secrète, de revenir aux soucis mesquins et aux petits travaux de sa vie. […] Je baissai la tête sous une secrète terreur, comme si j’avais jeté un regard dans un endroit où il est défendu à l’homme de regarder. […] Les Pestoff, qui étaient des gens compatissants et bons, accédèrent aisément à sa prière ; il passa trois semaines chez eux, attendant en secret une réponse de son père ; mais il n’en vint pas, et il ne pouvait pas en venir. […] « Je suis sûre qu’elle t’a dit, sous le sceau du secret, qu’il rôde en prétendu autour de sa fille. […] Quant à Lavretzky, il retourna vers la maison, entra dans la salle à manger, s’approcha du piano, et mit le doigt sur une des touches ; un son faible, mais clair, s’en échappa et éveilla une vibration secrète dans son cœur.

1102. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Guizot se prit de sympathie et d’estime pour le jeune universitaire, vers qui l’attiraient, en dépit de profondes divergences philosophiques, de secrètes affinités morales et intellectuelles. […] L’agrégation de philosophie fut supprimée quatre mois plus tard, et je soupçonne les épreuves de Taine et le rapport secret de M.  […] Il suffisait de l’approcher pour s’en convaincre, car, si sa vie fut cachée aux yeux du monde, nul homme ne fut moins caché, moins secret pour ceux qui eurent le privilège de le fréquenter. […] Là se trouve sa grandeur et sa faiblesse, le secret de sa puissance et de ses lacunes. […] C’est donc Michelet tout entier que nous révèle et nous explique ce délicieux petit livre, écrit avec des larmes et du sang, où il nous livre le secret de sa vie, de sa pensée, de ses œuvres.

1103. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Cependant il était dans les conseils du roi, beau-frère du duc de Lancastre, employé plusieurs fois en ambassades ouvertes ou en missions secrètes, à Florence, à Gênes, à Milan, en Flandre, négociateur en France pour le mariage du prince de Galles, parmi les hauts et les bas de la politique, disgracié, puis rétabli : expérience des affaires, des voyages, de la guerre, de la cour, voilà une éducation tout autre que celle des livres. […] Cette confuse symphonie de bruits vagues trouble les sens ; une langueur secrète entre dans l’âme. […] Il a eu révélation de cette mort au dortoir du couvent ; il a vu l’enfant emporté au paradis ; soudain il s’est levé avec tous les frères, « mainte larme coulant sur leurs joues », et ils ont fait de grandes oraisons pour remercier Dieu de cette faveur. « Car, sire et dame, fiez-vous à moi, nos oraisons sont plus efficaces et nous voyons plus dans les secrets du Christ que les gens laïques, fussent-ils rois. […] And up I rose and alle our covent eke With many a tere trilling on our cheke… Te Deum was our song and nothing elses… For, sir and dame, trustith ye me right well,  Our orisouns ben more effectuell,  And more we se of Crist’is secret things Than borell folk, albeit they were kings.

1104. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

je sais aussi tous les secrets des cieux, Et vous m’avez prêté la force de vos yeux. […] Voici comment, dans le secret de son amour-propre, il le jugea lui-même le jour où il déposa la plume encore humide et chaude qui venait de l’écrire. […] Son cœur a de grandes révoltes et des haines larges et sublimes qui le rongent en secret, mais que domine et dissimule son exacte raison. […] Il marche consumé par des ardeurs secrètes et des langueurs inexplicables.

1105. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Mercredi 9 janvier Ce soir, rue de Berri, on cause du décolletage des femmes, et comme je disais que la gorge de la femme honnête devrait être la chose la plus secrète pour les autres, autres que le mari, d’Ocagne nous raconte la présentation d’un Chinois qu’il a faite chez About, ce Chinois s’étant obstinément arrêté à la porte du salon, il avait été obligé d’aller le rechercher et de le forcer à entrer. […] Alors Daudet vient s’asseoir à côté de moi, et me parlant presque à l’oreille : — Je ne devrais pas vous dire ça, mais puisque Zola n’a pas gardé le secret auprès de Mme Charpentier, malgré l’engagement que nous avons pris de n’en parler à personne, je puis bien vous le dire. […] Vous avez mis dans votre style les jeux de la lumière, les frissons du plein air, la coloration et la vie du monde extérieur ; vous y avez mis aussi les secousses intérieures, les émotions subtiles, les troubles secrets du monde moral ; et désireux de retenir dans votre phrase, un peu de ce qui luit ou de ce qui vibre, de ce qui aime ou de ce qui souffre, vous avez demandé à la richesse et à la diversité des formes, l’art d’exprimer fidèlement la multiplicité infinie de la nature. […] Jeudi 3 octobre Je disais dernièrement à quelqu’un : « Oui, dans mon Journal, j’ai voulu recueillir tout ce qui se perd de curieux dans la conversation. » Samedi 5 octobre J’ai l’intime conviction, et même les preuves, que les femmes de quarante ans, qui n’ont ni mari ni amant, sont folles, par moments, dans le secret de leur intérieur.

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