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631. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Voilà pourquoi les poëtes ne sont pas des penseurs ; ils emploient les dons de l’imagination à exprimer, sinon à exagérer ce qui plaît à leur temps ; et s’ils sont savants, c’est que la science elle-même est une mode. […] Comme historien, à quelle partie de la science historique n’a-t-il pas touché, guerre, administration, gouvernement, sous toutes les formes de société appliquées chez les anciens, depuis le, pouvoir absolu de l’Orient jusqu’à l’extrême démocratie ? […] Montaigne y vit tout ce qui est de l’homme guerres, paix, dissensions civiles et religieuses, assemblées, croyances, renaissance des lettres et des arts, toutes les passions toutes les exagérations, toutes les vertus, l’héroïsme des armes et de la science ; toutes les calamités, la famine, la peste, le pillage, et ce qu’il appelle la ruine publique. […] Pour Calvin, il tourne toute science de l’homme à la théologie. […] Elle a l’exactitude de celle de Calvin, avec plus de variété ; elle contient toute celle d’Amyot, aux richesses de laquelle Montaigne ajoute ses propres inventions ; enfin elle réunit tout ce que le xvie  siècle a mis de science et de génie dans la formation de notre langue littéraire, désormais la langue de l’esprit moderne, langue maternelle pour nous, langue adoptive pour quiconque en Europe, dans les lettres, les sciences l’art du gouvernement, dans les travaux de l’esprit ou de la politique, a laissé ou laissera un nom durable.

632. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

La psychologie humaine, c’est-à-dire la science du phénomène psychique, doit donc chercher des données dans la biologie et dans la sociologie. […] Les discussions sur la limite des deux sciences, qui ont rempli la première moitié du xixe  siècle, cherchaient à déterminer des frontières qui n’existent pas. […] On aurait moins discuté sur ce sujet, si l’on avait mieux compris que nos divisions sont en grande partie arbitraires, par suite de la continuité des phénomènes ; que l’homme distingue ce que la nature mélange, et que si la science est une analyse, le monde est une synthèse. […] A notre avis, les études sur la transmission héréditaire, considérée au point de vue psychologique, sont destinées à jouer un grand rôle, quand la science sera entrée complètement dans la voie qu’elle ne fait que d’essayer. […] L’expérience vulgaire a fait depuis longtemps cette découverte ; il reste à la science à la préciser et à l’expliquer.

633. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

et sur quoi la négation eût-elle pu s’appuyer à une époque où ni l’exégèse, ni l’histoire des religions, ni la science enfin n’étaient encore nées ? […] En voici le bref résumé : ceux qui ont attaqué la vérité de la science, en s’autorisant contre elle de ses erreurs, n’ont connu ni la nature de l’erreur, ni celle de la science. […] mais, ailleurs, dans le domaine même de la science ou de l’expérience, quelle est donc son autorité ? […] La première est l’idée de l’universel mécanisme, c’est-à-dire de la solidarité de toutes les parties, et conséquemment de l’unité de la science. […] Un seul mot d’elles suffit pour déconcerter la science toute neuve de M. 

634. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

Il n’y a pas de danger qu’on se méprenne sur ce mot Éloge : il ne saurait s’appliquer qu’au grand écrivain toujours debout et subsistant ; l’homme et le caractère sont dorénavant trop connus, trop percés et mis à jour pour que l’éloge puisse y prendre pied décidément, et quoique les appréciations de ce genre soient sujettes à de perpétuelles vicissitudes, quoiqu’il semble qu’en littérature et en morale les choses ne se passent point comme dans la science proprement dite et que ce soit toujours à recommencer, je pense toutefois qu’il y a, dans cet ordre d’observations aussi, de certaines conclusions acquises et démontrées sur lesquelles il n’y a pas lieu pour les bons esprits à revenir. La science morale, bien comprise, bien appliquée aux individus, a, comme toutes les sciences, ses jugements définitifs et ses résultats.

635. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Miller, de l’Académie des Inscriptions, dans la préface de ses Mélanges de Littérature grecque publiés en 1868, a rendu un juste hommage à Dübner, et en des termes ingénieux qui méritent d’être rapportés : « Feu Dübner, dont la science philologique déplore la perte encore récente, était, depuis un grand nombre d’années, le confident et le conseiller de mes travaux. […] Il voulait être un des premiers à jouir de cette découverte ; il tenait à la faire valoir, à la rendre viable, offrait et, au besoin, imposait son concours, et cela sans arrière-pensée, avec une modestie admirable, cherchant ensuite à s’effacer, et uniquement par amour de la science. […] Villemain en tête : ont-ils jamais daigné, pour la science, regarder au-delà du Rhin ?

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