Les Spartiates ou Lacédémoniens paraissent en scène par la naissance de Léonidas.
Rappelez-vous, à la scène, ces acteurs trop consciencieux qui prétendent, comme on dit, « faire un sort à chaque mot » ; au bout de cinq minutes, les mots qu’ils veulent mettre tous en lumière, étant uniformément éclairés, rentrent tous dans l’ombre.
Elles attestent surtout, par leurs vues prises sur les rapports de l’homme et du monde, l’impossibilité de faire de l’art pour l’art sans s’adosser à une métaphysique quelle qu’elle soit ; et se placer en face de la nature en spectateur impartial, noter ses pulsations et son rythme de durée avec le chronomètre enregistreur de notre esprit, brosser des tableaux d’histoire, décrire avec minutie les inventions scientifiques, copier les scènes banales d’une vie quotidienne, suppose résolu par le fait le grave problème de l’imitation de la nature, qui lui-même emprunte à la cosmologie rationnelle et à la théorie criticiste de la connaissance du monde extérieur ses plus immédiates données.
— Te rappelles-tu cette scène du Marchand de Venise où le divin Shakespeare les évoqua ? […] Toutefois, je comprends ta lassitude : trop d’émotions violentes, trop de scènes inaccoutumées firent impression sur ton esprit depuis près d’un an pour ne pas te laisser anxieux. — Je devine aussi que je t’ai paru quelquefois en contra diction avec l’ensemble de mon enseignement.
Mais la vérité est qu’il n’y a ni un substratum rigide immuable ni des états distincts qui y passent comme des acteurs sur une scène. […] Entre cette réalité et celle que les philosophes reconstruisent, je crois qu’il eût établi le même rapport qu’entre la vie que nous vivons tous les jours et celle que les acteurs nous représentent, le soir, sur la scène. Au théâtre, chacun ne dit que ce qu’il faut dire et ne fait que ce qu’il faut faire ; il y a des scènes bien découpées ; la pièce a un commencement, un milieu, une fin ; et tout est disposé le plus parcimonieusement du monde en vue d’un dénouement qui sera heureux ou tragique. Mais, dans la vie, il se dit une foule de choses inutiles, il se fait une foule de gestes superflus, il n’y a guère de situations nettes ; rien ne se passe aussi simplement, ni aussi complètement, ni aussi joliment que nous le voudrions ; les scènes empiètent les unes sur les autres ; les choses ne commencent ni ne finissent ; il n’y a pas de dénouement entièrement satisfaisant, ni de geste absolument décisif, ni de ces mots qui portent et sur lesquels on reste : tous les effets sont gâtés.