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2063. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Royer-Collard proclamait presque introuvable de nos jours, et dont il jouissait si pleinement lui-même, M. de Broglie a su également se le conserver ; il en est investi. […] Je sais que je marche sur des charbons ardents. […] À ce compte, comme on ne saurait avoir trop de gens actifs et intelligents, pourquoi ne pas dépouiller aussi les aînés ? […] On y retrouve l’homme qui sait si bien se passer de la faveur et qui dédaigne la popularité. […] Savez-vous ce que nous aurons fait ?

2064. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Je ne sais ce que c’est que d’être héroïne : je suis d’une naissance à ne jamais rien faire que de grand et d’élevé. […] Elle s’aperçut donc un jour que ce petit homme, capitaine des gardes, Gascon à la mine fière, au ton spirituel et ironique, avait un je ne sais quoi qu’elle n’avait encore remarqué dans personne. […] La pauvre Mademoiselle, novice comme une pensionnaire et sans confidente, ne savait qu’inventer pour apprendre à ce fat et à ce vaniteux ce qu’il voyait trop bien. […] On sait le reste. […] La prison avait fait sortir tous les défauts de caractère et de cœur qu’il avait su cacher dans ses beaux jours.

2065. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Lui qui jugeait si bien les hommes par le dedans, il savait que la plupart ne se forment une idée des autres que par leur dehors et par leur autour (l’expression est de lui). Il savait encore qu’il faut du reluisant au peuple. […] Necker et de Montmorin, vous devez savoir ce qu’ils veulent et s’ils ont un plan ; si ce plan est raisonnable, je le défendrai. […] Sur quelques mots plus positifs que Mirabeau dit à M. de La Marck, au sortir d’un dîner où il s’était exprimé avec modération : « Faites donc qu’au Château on me sache plus disposé pour eux que contre eux », M. de La Marck se décida à quelques ouvertures précises. […] Nul moment ne saurait être mieux choisi que celui-ci.

2066. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Je ne sais pas quel mets nous eût paru meilleur que nos raves et nos châtaignes ; et en hiver, lorsque ces belles raves grillaient le soir à l’entour du foyer, ou que nous entendions bouillonner l’eau du vase où cuisaient ces châtaignes si savoureuses et si douces, le cœur nous palpitait de joie. […] Il est vrai qu’à son réveil matinal, durant ses heureux séjours à la campagne, Marmontel sait également savourer une ample jatte de lait écumant . […] Ce sont ses revanches, et l’on ne s’explique pas qu’il avait été repris à soixante ans de l’envie de donner je ne sais quelle tragédie de Numitor, qui lui était restée en portefeuille. […] Cela touché, il faut vite reconnaître ses aimables qualités sociales, cette facilité à prendre à tout, cette finesse sous la bonhomie et cette cordialité qui sait trouver une expression ingénieuse : « J’ai toujours éprouvé, disait-il, qu’il m’était plus facile de me suffire à moi-même dans le chagrin que dans la joie. […] L’air et le ton léger dont de vieux libertins savent tourner en badinage les scrupules de la vertu, et en ridicule les règles d’une honnêteté délicate, font que l’on s’accoutume à ne pas y attacher une sérieuse importance.

2067. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Marmont qui, dans le premier moment, dès qu’il avait su la démarche irréparable, n’avait songé qu’à conserver les troupes au gouvernement provisoire, à les maintenir sous le drapeau, et qui accourait pour cela à Versailles, apprend en chemin cette sédition furieuse. […] voilà Jourdan qui l’a adoptée déjà. » Et malgré tout, lors de l’entrée à Paris de Monsieur, comte d’Artois, le 12 avril, Marmont fut du petit nombre des officiers qui avaient gardé la cocarde tricolore : ce dont on se souvint toujours, et dont on lui sut peu de gré […] Je sais comment les choses se sont passées. […] On sait comment il y fut reçu, les scènes qui l’y accueillirent dans la soirée du 30, cet accès de colère qu’il eut à essuyer de la part de M. le Dauphin, et dont ce prince lui a demandé ensuite pardon comme chrétien et comme homme. […] Les contemporains les mieux informés, et qui ne se payent pas de réponses officielles, savent très bien comment l’illusion du maréchal Marmont, que M. de Bourmont favorisait de son mieux, dura jusqu’au dernier instant.

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