/ 4089
1146. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Auguste Barbier n’a réellement débuté qu’après juillet 1830, et qu’on ne saurait, avec toute la bonne volonté possible, le ranger dans une génération si antérieure ? […] Il semblerait vraiment, d’après ce qui précède, que MM. de Lamartine, Hugo, de Vigny et Balzac, à leurs débuts, aient été des libéraux en toute chose et qui souffraient (comme pouvait le faire Casimir Delavigne) des événements de 1815, tandis que tous ceux qui les ont vus et suivis pendant des années savent qu’ils étaient surtout, par leurs origines et leurs premières inclinations, dans le parti contraire, dans le parti dit royaliste, ce dont, au reste, on ne saurait les blâmer ; ils étaient les hommes de leur éducation et du milieu social où un premier hasard les avait placés. […] Parmi ces trois hommes que M. du Camp appelle sérieusement littéraires, il en est un qui, par malheur, ne saurait mériter ce nom. […] Les anciens, d’Homère à Théocrite, de Catulle à Ovide, savaient cela. […] Le voyageur qui se sent entraîné par son instinct vers des lieux inconnus, se dit que ce sont certainement d’anciennes patries qu’il va revoir : J’habitai, je le sais, dans d’autres existences Ces pays radieux, et je suis convaincu Que je sais retrouver, à travers les distances, Tous les endroits certains où j’ai déjà vécu.

1147. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

. — Je dis qu’il est commode, car du haut de la religion, de cette idée inexpugnable et infaillible, on est à l’aise pour courir sus à toutes les opinions et à tous les partis, au siècle tout entier. […] Veuillot, feuilletoniste des Chambres, c’est qu’en même temps qu’il sait et qu’il rend, de chacun, le geste, le timbre de voix, les tics, il sait aussi la valeur sérieuse de l’homme et la respecte assez quand il la rencontre. […] Il se contente sur bien des points de dire : « Je ne sais pas, je ne vois pas. » Mais il n’est pas si sot, ce bourgeois. il n’a pas lu Locke, mais il lui est arrivé, je ne sais comment, — à travers l’air, — quelque chose de sa réserve prudente. […] Je ne sais si j’ai bien fait comprendre toute ma pensée ; le procédé est indiqué plutôt qu’appliqué à fond.

1148. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

On dit qu’il a eu un grand succès de lecture : moi qui sais avec quel feu il parle en improvisant, je regrettais d’abord qu’il ne se fût point livré à la parole vive ; mais on m’assure qu’il a lu de façon à produire plus d’effet encore. […] Je ne saurais croire que les Grecs, par exemple, qui en tout temps s’opposaient d’une manière si tranchée aux Barbares, n’aient pas eu une idée nette et distincte de la civilisation. […] Que les heureux et les favorisés le sentent, afin d’en savoir gré du moins à la partie laborieuse et qui peine ! […] Sachons qu’il y a solidarité d’action, unissons-nous pour travailler en vue de l’œuvre commune, pour accroître la part de l’influence humaine sur cette terre, pour diminuer l’empire des éléments aveugles. […] J’en sais, pour mon compte, des exemples piquants.

1149. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Je sais que d’autres peuvent avoir une impression différente ; mais pour moi, celle qui résulte d’un pareil épisode que ne relèvent en rien les distinctions de l’esprit est des moins attrayantes et des moins agréables ; je n’y puis voir qu’une des plaies et des laideurs de l’époque. […] On savait qu’il ne faisait rien sans un tuteur. […] On sait, en effet, qu’à peine mis à la tête de son armée du Nord, Richelieu, pressé d’en finir et poussant le duc de Cumberland qu’il surprenait dans un état de lassitude et de décomposition morale, se hâta de conclure avec lui, par l’entremise d’un ambassadeur de Danemark, le comte de Lynar, espèce de fou mystique, la Convention dite de Kloster-Zeven, en vertu de laquelle toute l’armée ennemie alliée devait se disperser. […] La réponse à une semblable question est déjà faite : il n’est pas un de ceux qui nous ont lu jusqu’ici qui ne sache à quoi s’en tenir. […] Je ne saurais rendre, même après une étude fort légère, tout ce qu’inspire le spectacle d’une telle impéritie, d’une telle insouciance.

1150. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

Ainsi c’est toujours par une sorte d’incapacité que les autres restent enchaînés, ils ne savent pas secouer les entraves. » Cela se peut : leur talent n’est pas celui-là, et remarquez que celui qui sait, selon vous, lutter contre le sort, pourrait être plus justement regardé comme bien servi par le sort, puisque la difficulté des premiers pas à faire était justement ce qui convenait à ses moyens.  […] « Il a su arranger ses affaires. […] Si à peine je puis voir dans un autre temps les motifs qui m’ont décidé alors, comment savons-nous les vrais motifs des actions des autres ? Et si celui qui est de bonne foi se voit toujours près de juger trop sévèrement sa propre conduite, parce qu’il ne voit que confusément une circonstance passée et qu’il oublie presque toujours une partie des obstacles qu’il a rencontrés jadis, comment ne serions-nous pas injustes lorsque nous condamnons les autres d’après un aperçu encore moins distinct et sans savoir ce qui les arrête ou les détermine ? […] Peut-être n’ai-je pas mal cultivé mon champ si étroit, mais d’autres eussent su l’agrandir.

/ 4089