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1197. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Cette intimité confidentielle dans laquelle ils vivent avec les écrivains, les orateurs, les poètes, les savants, initient forcément ces ouvriers de la pensée à la science, à la politique, aux lettres. […] Le tour de ces chansons est, selon nous, trop essentiellement latin, sous sa prétention gauloise, pour n’y pas reconnaître à chaque construction de couplet des réminiscences savantes, et trop savantes peut-être, de latinité.

1198. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Il n’y a que les choses qui appartiennent au talent relatif, discutable, faillible, avec ses nuances, ses finesses, ses rétorsions, ses complications, — savantes, si on veut, mais qui ne sont pas, après tout, la grande et incontestable force ; — il n’y a que ces choses qui soient vraiment d’une interprétation difficile et qui aient besoin de l’habileté profonde et exercée d’un traducteur. […] Il ne doit point faire écrire des phrases de ce calibre, facile à reconnaître, en parlant de la Reine Élisabeth : « Cette marquise de Rambouillet qui avait pour ruelle l’alcôve impériale, cette femme savante ayant pour canif le glaive et le globe pour serre-papier, régnant non sur des cuisines, mais sur un empire, dirigeant non un ménage, mais une société, et donnant des ordres non pas à Martine, mais à tout un peuple. […] Si j’étais Philoxène Boyer, le commentateur éloquent et savant de Shakespeare ; si j’avais devant moi une tribune où les développements sont permis, je suivrais en détail la comparaison entre ces deux grandes œuvres, filles l’une de l’autre, mais égales.

1199. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Croce s’étend d’ailleurs au-delà des monts ; je lui connais des lecteurs enthousiastes en plus d’une ville d’Allemagne, et à Paris, et à Zurich ; c’est qu’il joint à une grande science quelques qualités trop rares chez les savants : une pensée toujours originale, libérée de toutes les vieilles formules, le bon sens lumineux, la compréhension de l’art et surtout le respect des individualités. […] Il a donné depuis, outre quelques volumes de vers que l’étranger connaît trop peu, de nombreux romans et tragédies dont on n’a que trop parlé grâce à une réclame savante et à l’engouement des snobs. […] Pour beaucoup de savants, tout emprunt non avoué est un plagiat.

1200. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Il établit volontiers ses comparaisons d’un ordre à l’autre : « On peut comparer, se dit-il, les âges instruits et savants, qui éclairent ceux qui viennent après, à la queue étincelante des comètes. » Il se promettait encore de « comparer les premiers hommes civilisés, qui vont civiliser leurs frères sauvages, aux éléphants privés qu’on envoie apprivoiser les farouches ; et par quels moyens ces derniers. » — Hasard charmant ! […] On ne se figure pas jusqu’où André a poussé l’imitation, l’a compliquée, l’a condensée ; il a dit dans une belle épître : Un juge sourcilleux, épiant mes ouvrages, Tout à coup, à grands cris, dénonce vingt passages Traduits de tel auteur qu’il nomme ; et, les trouvant, Il s’admire et se plaît de se voir si savant.

1201. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

C’est qu’il offre à ses dévots des œuvres parfaites, où les gens du métier trouvent un plaisir sans mélange : presque jamais un sentiment personnel au poète n’y éclate dont la sincérité, l’originalité ou l’expression puisse être contestée, qui semble, suivant les jours, insuffisant ou démesuré, ni qui détourne l’attention des mystères savants de la forme. […] Or, l’union de ces deux sentiments semble devoir être, dans l’art, le produit extrême d’une civilisation très vieille et très savante, comme est la nôtre.

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