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1002. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Tandis que les anatomistes d’aujourd’hui emploient dans leurs planches la photographie directe ou la photogravure, visant à l’exactitude la plus scrupuleuse dans la reproduction de la nature, les anatomistes des seizième, dix-septième, et même dix-huitième siècles, — qui étaient cependant des savants et non des artistes, — ne songeaient dans leurs dessins qu’à un à peu près offrant un effet esthétique et une symétrie superficielle ; ils figuraient des artères, des veines, des orifices quand l’aspect général leur paraissait plus convenable ainsi. […] Mais on a trop fait du laid et du dissonant de simples condiments dans la préparation savante de l’œuvre d’art. […] Ce dernier a moins à faire pour créer, car les images fantastiques peuvent nous charmer par des rencontres de hasard comme dans les rêves, tandis que, pour qui ne sort pas du réel, la poésie et la beauté ne sauraient guère être une rencontre heureuse, mais sont une découverte poursuivie de propos délibéré, une organisation savante des données confuses de l’expérience, quelque chose de nouveau aperçu là où tous avaient regardé. […] Un Anglais, lord Evandale, un savant allemand et leur escorte, après avoir parcouru dans une sépulture égyptienne les divers couloirs et les diverses salles, arrivent sur le seuil de la dernière, la « Salle dorée », celle qui contient le sarcophage. 

1003. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Je le retrouve toujours nouveau, toujours savant, toujours moderne, jamais anachronique et jamais épuisé. […] — Si le plus grand poète d’un siècle est son plus grand écrivain en vers, celui qui a su enrichir des plus savants procédés l’art poétique de son pays, et créé pour lui-même, comme pour ceux qui viennent après, un clavier nouveau où ne manque aucune touche ; si c’est le virtuose génial, qui a réussi à tirer des mots les plus diverses harmonies, nul plus que Hugo ne semble avoir droit à cette gloire unique. […] Il n’a jamais existé d’artiste, de savant, totalement représentatif (n’eût-ce été que pour son époque) de la science ou de l’art — de son art ou de sa science. Malheureusement les poètes, en majorité aujourd’hui politiciens de leur art, sont loin d’avoir atteint au scrupule des savants.

1004. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Nous étonnerons peut-être, ajoute le savant éditeur, en disant qu’il n’y a pas dans toutes ses œuvres un seul néologisme.

1005. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Sainte-Beuve a aimé parfois à en imaginer, — cet autre portrait d’un savant, d’un philosophe « austère et solitaire », qu’il a peint lui-même, trente-deux ans plus tard (en 1864), dans un article à propos des Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. 

1006. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

L’homme passionné et l’homme stupide éprouvent par l’étude le même degré d’ennui, l’intérêt leur manque à tous les deux ; car, par des causes différentes, les idées des autres ne trouvent en eux aucune idée correspondante : l’âme fatiguée s’abandonne enfin à l’impulsion qui l’entraîne et consacre sa solitude à la pensée qui la poursuit ; mais elle ne tarde pas à se repentir de sa faiblesse ; la méditation de l’homme passionné enfante des monstres, comme celle du savant crée des prodiges.

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