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540. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre I. De la sagesse philosophique que l’on a attribuée à Homère » pp. 252-257

Jusque dans le tombeau, il se souvient de l’enlèvement de Briséis ; il faut que la belle et malheureuse Polixène soit immolée sur son tombeau, et apaise par l’effusion du sang innocent ses cendres altérées de vengeance.

541. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Le grand prêtre était déjà emporté dans un torrent de sang. […] Il trouva du sang tout frais. C’était celui de douze administrateurs du département des Ardennes condamnés le jour même par le tribunal révolutionnaire ; c’était le sang d’un nommé Thézut, ex-noble ; c’était le sang d’un enfant de dix-huit ans, volontaire dans le 9e régiment d’artillerie légère ; c’était le sang, enfin, d’un certain Lecoq, domestique de Roland, coupable d’avoir apporté un cahier de musique à madame Roland dans sa prison. […] Le nouveau culte, fondé sur une boue de sang, devait bientôt s’abîmer avec son pontife sanglant. […] Car il se croyait encore lépreux, ne sachant pas que le sang de ses yeux, répandu sur sa face, l’avait purifiée.

542. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Et, bien que depuis le Parnasse Contemporain, toutes les écoles littéraires aient eu le prédominant désir de s’en affranchir, il corrompt et brûle le sang de notre race, charmant et perfide, comme le subtil et sûr poison que versait Lucrèce Borgia. […] Aussi comprendra-t-on que le même auteur qui a écrit les phrases sèches et minutieuses de « Sous l’œil des Barbares », ait pu nous donner certaines pages de « Du Sang, de la Volupté et de la Mort ». […] Des visions tourbillonnent — du sang, de l’or, des ténèbres —, brûlent nos paupières. […] Ce sont les Villes Tentaculaires qui, pareilles à de colossales pieuvres semblent s’être gorgées du sang de toute la terre. […] Il y a du bouddhiste dans son sang épuisé.

543. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Mon arrivée interrompit la conversation entre ces deux femmes, conversation qui paraissait être animée, quoique à voix basse, car l’une d’elles (l’inconnue) avait sur les joues cette coloration fugitive du sang en mouvement sur un fond de pâleur qui prouve qu’on a poussé tête à tête un entretien jusqu’à la lassitude. […] Mais quelle n’a pas dû être l’impression de cette femme idolâtrée sur les yeux de la France et de l’Europe, quand elle apparut, à seize ans, au milieu de Paris encore souillé de sang et muet de terreur, comme une Iris messagère des dieux apaisés, venant rapporter leur sourire à la terre ? […] La France, à peine échappée en une nuit (celle du 9 thermidor) à son naufrage de sang, ressemblait en ce moment à une plage où tous les naufragés pêle-mêle se félicitent ensemble et confusément du salut commun. […] On a beau faire, quand on a du sang de Louis XIV dans les veines, l’orgueil de race prévaut malgré soi sur les nécessités de la royauté : les rôles sont dans la politique, mais les sentiments sont dans la nature.

544. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

On peut croire que le sang va couler. […] A ceux-là, nous devons des œuvres niaises et plates, ou criardes et enluminées comme des images d’Epinal, n’ayant souci ni de style ni de vraisemblance, relevant moins de l’art que de l’industrie : chansons dont la musique aigrelette est digne des paroles ineptes ou grossièrement bouffonnes  ; romans interminables déroulés durant des mois au rez-de-chaussée d’un journal, débités par tranches à des abonnés patients et promenant du bagne à la cour, du boudoir à l’hôpital, tout un monde de personnages comme on n’en voit qu’en rêve ; mélodrames naïfs et voyants, pauvres de psychologie, mais riches de coups de théâtre et de coups de fusil, rouges de sang et de feux de Bengale, fertiles en miracles de la Providence et du machiniste, étourdissant les yeux et les oreilles par l’éclat des costumes, des décors et des tirades ; littérature faite Sur commande pour un public friand de grosses émotions et de spectacles qui parlent aux sens, parce qu’il ne sait pas encore apprécier des mets plus délicats, parce qu’il n’est initié que d’hier aux jouissances esthétiques, parce qu’il n’a pas fait son apprentissage littéraire. […] Quand la guerre est, faite par des mercenaires, des volontaires ou une classe spéciale qui se fait gloire de ne payer que l’impôt du sang, comme on disait jadis, ou encore quand elle a son théâtre à l’étranger, aux colonies, loin du cœur de la patrie, elle peut ne susciter que des passions modérées ; comme elle n’a pas pour la nation un intérêt vital, elle n’a souvent qu’un faible retentissement sur les autres branches de l’activité sociale. […] Parmi ceux qui périssaient sous les balles ou les boulets, par les coups de sabre ou les fatigues, il en était certes plus d’un qui dans une période pacifique aurait vécu et apporté son contingent d’efforts aux œuvres de la paix ; et parmi ceux mêmes qui faisaient sous les armes leur réputation et leur fortune, il en était plus d’un qui en d’autres temps aurait gagné une gloire moins trempée de larmes et de sang.

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