Il devait sortir un Catilina en sept actes, où l’on eût vu en action la scène du serment et la coupe de sang humain promenée à la ronde. […] Par un accommodement du même genre, au lieu de Thyeste buvant le sang de son fils, nous en sommes quittes pour voir la coupe dont Thyeste n’approche même pas les lèvres. […] Elle le voit ; il l’exhorte avec l’autorité du sang, des cheveux blancs, de la mort qui s’approche, à confesser la foi chrétienne. […] La foi qui devient de plus en plus impérieuse, le sang que chaque minute fait parler plus haut, peuvent bien arrêter sur ses lèvres tremblantes les paroles trop tendres ; mais ils ne la forceront pas à simuler la trahison ou l’indifférence.
La vie revenant aux chairs sous le flasque épidémie, le sang qui reflue et rubéfie les artérioles, les lèvres se détendant, s’arquant, les paupières qui battent, et la frêle poitrine qui palpite, puis ce corps frémissant cadavérisé, le recroquevillement des traits, la lividité des chairs et la viscosité de la peau, sont suivis et retracés sans un sursaut, en une succession d’images si mémorables qu’elles hantent. […] Que l’on rassemble les plus sombres page de la littérature universelle, certains chants de l’Enfer, les scènes brutales des dramaturges shakespeariens, les fantaisies de Swift, les terreurs plus puériles de Godwin et d’Anne Radcliff, que l’on confonde certaines pages des épopées septentrionales, des chroniques russes et espagnoles, du Maliens inquisitorial, des voyages des missionnaires en Chine, que l’on joigne à des passages de Suétone certains chapitres de nos traités de pathologie ; toutes ces images de sang et de souffrance blanchiront auprès de l’horreur glaçante, du dégoût, de l’énervement, de la pesante angoisse que causent quelques contes forts courts et fort calmes de Poe. […] Sur son dos où une partie de la chemise avait été arrachée et laissait voir le nu, se tenait une mouette énorme, qui se gorgeait activement de l’horrible viande, son bec et ses serres profondément enfouis dans le corps, et son blanc plumage tout éclaboussé de sang. […] Wilson, qu’à l’île de Tsalal, les matelots de la Jane Guy trouvent des femmes « obligeantes en toutes choses », que dans Marie Roget, il faille fouiller le dessous d’une femme galante, et dans le Crime de la rue Morgue, entrevoir le cadavre d’une jeune fille brutalement lacérée, pas un mot équivoque, pas une allusion aux réalités de la chair, un rauque éclat de voix ou un afflux de sang ne vient altérer le calme glacial de ces œuvres et de toutes.
Ces pâles vampires des tables vertes de Windsor, qui ne suçaient pas le sang mais l’or qui devait entretenir leur luxe grandiose, élégants jusqu’à la chimère, cessèrent d’être hommes et devinrent des poupées terribles ; car elles avaient l’ironie, le sang-froid, l’audace, et un esprit mystificateur et cruel. […] D’un goût perverti à force de recherche, — on peut l’accorder, — ils agirent avec ce goût blasé comme avec leur sang lymphatique et croupi, dont ils aiguillonnaient l’ardeur sous les morsures de ce dévorant caviar qu’ils aimaient. […] Balzac, qui est devenu si sérieux, qui s’est épuré en montant, qui est devenu le calme et l’impartial observateur de La Comédie humaine et cette grande tête d’ordre et d’autorité que les désordonnés d’esprit nient encore comme ils nient l’ordre dans la nature, Balzac avait dans le sang, et plus que personne puisqu’il était un génie français, cette goutte de lait maternel, cette propension au rire, à la comédie, à la gaîté qui touche aux larmes, tant sa force épuise vite la nature humaine ! […] il l’appelle involontairement les trois maîtres que j’ai nommés, et qui ont comme du sang luxuriant de Rabelais dans les veines de leur génie.
Il débuta par Ton Sang qui qui posait un problème éternel et moderne et la Lépreuse, évocation de légende et de sentiment. […] Roger Le Brun, dans Le Bonheur des Hommes essayait le drame moderne le plus simple et le plus émouvant, parce qu’éternel, la révolte du sang et l’orgueil du sacrifice.
Les murs, les lambris sont teints de sang ; cette salle, ce vestibule sont pleins de larves qui descendent dans l’Érèbe, à travers l’ombre. […] Un spectre parut devant mes yeux, et j’entendis une voix comme un petit souffle108. » Il y a là beaucoup moins de sang, de ténèbres, de larves que dans Homère ; mais ce visage inconnu et ce petit souffle sont en effet beaucoup plus terribles.