Il vit habituellement à la campagne, en Provence, au milieu de ses livres, parmi les hommes de sa terre et de son sang. […] Le monde saisi de vertige se rua à de sombres plaisirs, où le sang se mêlait à la volupté, où la luxure s’enlaçait à la mort. […] Or, la race est la substance même de l’individu, la source féconde où s’alimente son sang comme sa pensée. […] Ce sont eux peut-être qui referont le sang de la nation. […] Nous sommes leur sang et leur pensée ; nous sommes leur gloire et leur défaite, leurs héritiers et leurs vengeurs.
« Vous avez raison, dit Claverhouse en souriant, parfaitement raison : nous sommes tous deux des fanatiques ; mais il y a quelque différence entre le fanatisme inspiré par l’honneur, et celui que fait naître une sombre et farouche superstition. » — « Et cependant vous versez tous deux le sang sans remords et sans pitié », reprend Morton, incapable de cacher ses sentiments. Claverhouse en convient : il insiste sur son idée en la poussant cruellement à bout ; il l’exprime en des termes énergiques que nul, certes, n’a oubliés, distinguant entre le sang et le sang, entre celui « des braves soldats, des gentilshommes loyaux, des prélats vertueux, et la liqueur rouge, dit-il, qui coule dans les veines de manants grossiers, d’obscurs démagogues, de misérables psalmodieurs… ».
. — Mais quand Louis XIV, effrayé et découragé par les premiers désastres de cette funeste guerre de la succession, paraît disposé à abandonner l’Espagne et à lâcher son petit-fils, Mme des Ursins, dévouée avant tout aux intérêts de Philippe V et du royaume qu’elle a épousé, devient tout Espagnole pour le salut et l’intégrité de la couronne, rompt au-dedans avec le parti français, conjure au dehors la défection de Versailles, écrit à Mme de Maintenon des lettres à feu et à sang, s’appuie en attendant sur la nation, et, s’aidant d’une noble reine, jette résolument le roi dans les bras de ses sujets. […] Malgré la vie de forçat que je mène, je me porte bien, madame ; Dieu veuille que mon sang ne s’échauffe point trop, et que cela ne fasse point renaître le mal que vous savez qui me faisait tant de peur autrefois ! Elle ne sera pas malade, son sang ne s’enflammera pas, tranquillisons-nous !
Elle eût évoqué l’affaire, s’en fût emparée par l’intelligence comme par le cœur, l’eût comprise dans le fond et dans la forme ; elle eût écouté les raisons des ministres de Louis XVI, y eût ajouté l’autorité de sa raison propre ; elle eût épargné à un roi faible ses tiraillements et son embarras, elle eût épousé sa politique sans abjurer la voix du sang : au lieu d’être un simple écho et de répéter sa leçon de Vienne, elle aurait eu sa façon de voir, un avis à elle, et indiquant toute la première la voie moyenne à suivre, la seule possible, renvoyant à Marie-Thérèse quelques-unes des objections que l’impératrice avait faites à Joseph II, elle eût réjoui Marie-Thérèse elle-même, et celle-ci, reconnaissant jusque dans les demi-résistances de sa fille ses propres pensées, sa propre sagesse, se fût écriée avec orgueil : « Elle est deux fois ma fille et mon sang ! […] Le sang nous lie si heureusement ; mon beau-fils et mon petit-fils en France66 sont ce que Léopold et ses enfants et ceux de Naples me sont.
Il y aurait du sang sur le parquet du salon, si les médisances entraient dans la chair. […] Nous apprenons par elles que Sylvanie, fille d’une mère équivoque, a du sang de courtisane dans les veines, et qu’elle chasse âprement de race. […] Prise d’une nausée amère, à la vue de ces princes du sang, de ces grands seigneurs avilis par l’ivresse et par la luxure, elle s’écria que les princes et les laquais « avaient été faits de la même pâte, que Dieu avait, dans la création, séparée de celle dont il avait tiré tous les autres hommes. » Il va donc aller à ce rendez-vous où l’attend la mort ; la princesse n’a qu’à le laisser partir pour être vengée.