Et ils iront ainsi, côte à côte, jusqu’au jour où quelque événement fortuit les mettra face à face, et dénouera dans le sang et la honte leur hostile et dangereuse liaison. […] Il est possible, en effet, que l’admiration qu’éprouvait José-Maria de Heredia pour un Ronsard ou un du Bellay soit pour quelque chose dans leur communauté de sentiment, mais il est nécessaire d’ajouter que, l’influence en question admise, le jeune créole au nom sonore était singulièrement préparé, — par la part de sang français qui coulait en ses veines, et dont la source, en lui, était proche, — à comprendre et à distinguer, en leur résonnance la plus subtile, ces « harmonies secrètes de notre sol » dont parle M. de Vogüé. […] Telles images brûlantes et passionnées que nous goûtions jadis dans Un amateur d’âmes reparaissent à nos yeux, telles cadences fébriles et brusques que nous aimions naguère dans Du Sang, de la Volupté et de la Mort résonnent de nouveau à nos oreilles.
. — Son sang s’est figé-et le voilà court d’haleine et trop gras. — Il a tissé trop de trames savantes. — Sa plus belle action, c’est précisément de penser. — Il s’est usé, à Wittenberg, — sur les bancs des salles de cours et des tavernes… Cet Hamlet poussif manquait de cœur ; il se livrait à d’innombrables monologues, mettait son courroux en vers, feignait la folie : adieu, Hamlet. […] Cette condition effroyable, cette duplicité de l’homme, qui semble s’accroître à mesure que la vie moderne exaspère davantage nos nerfs, brûle davantage notre sang, la raison ne peut pas l’expliquer ; et comme on détourne les enfants de leur douleur en leur montrant des jouets, elle divertit notre attention par des mirages, la politique, le progrès, le bonheur social, jouets d’enfants. […] Seulement, pour réussir à leur enlever ainsi leur caractère maléfique, il faut tout un travail, une connaissance analytique et précise de leurs espèces et de leurs effets, d’habiles transferts, des exercices de raison et de volonté, « la préméditation et l’industrie par laquelle on peut corriger les défauts de son naturel, en s’exerçant à séparer en soi les mouvements du sang et des esprits d’avec les pensées auxquelles ils ont coutume d’être joints44 » : tous efforts qui dépassent la sagesse humaine en général, et celle de l’homme de sentiment en particulier.
Comme un sanglot coupé par un sang écumeux Le chant du coq au loin déchirait l’air brumeux ; Une mer de brouillards baignait les édifices, Et les agonisants dans le fond des hospices Poussaient leur dernier râle en hoquets inégaux. […] Ce sang, que tu disperses en te débattant comme un lion, nous instruit et nous sauve. […] Les traits rapides de la Délivrance par la mort, qui s’échappent brusquement vers le milieu du prélude, retentissent dans le silence, sourd comme le sang, de la sensualité. — Au deuxième acte le nuage devient presque matériel. […] S’adressant à sa Muse malade (p. 98), il dit : Je voudrais qu’exhalant l’odeur de la santé Ton sein de pensers forts fût toujours fréquenté, Et que ton sang chrétien coulât à flots rythmiques Comme les sons nombreux des syllabes antiques, Où règnent tour à tour le père des chansons, Phœbus, et le grand Pan, le seigneur des moissons.
Plus nous considérons le poème de Pelléas et Mélisande, plus nous frappe l’humanité de la conception première ; c’est en vain que les personnages multiplient les allusions à l’« invisible », en vain qu’ils hantent des tours légendaires ; ils ne sont pas des fantômes de rêve, mais des hommes de chair et de sang, de sensualité, d’instinct, d’inconscience ; si le destin pèse sur eux, c’est comme il pèse sur nous tous. […] Le sang, les plaies et la sanie, voilà le thème principal que se complaît à développer le poète, en mots parfois beaux, mais impurs… Passons. […] De sorte qu’un sang tout barbare aurait noyé en lui le sang latin — si tiède — des Racine, et que le jeune Viking se serait lancé dans le siècle en jouisseur, en conquérant.
Notre enfance aussitôt passée, Au seuil l’injustice glacée Fait révolter un jeune sang ; Refus muet, dédain suprême, Puis l’aigreur qu’en marchant on sème, Hélas !