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1023. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

 » Et il ajoutait plus loin : « Je ne sais quel souvenir des grands artistes me saisit à l’aspect de ce tableau (Dante et Virgile). […] Mais une faculté qui n’est certes pas féminine, et qu’il possède à un degré éminent, est de saisir les parcelles du beau égarées sur la terre, de suivre le beau à la piste partout où il a pu se glisser à travers les trivialités de la nature déchue. […] Nous saisirons sans doute quelques différences d’habileté pratique entre tel et tel paysagiste ; mais ces différences sont bien petites. […] Mais la silhouette générale des formes est souvent ici difficile à saisir. […] Jadin, l’énergie et la solidité, mais de plus une impression poétique parfaitement bien saisie et rendue.

1024. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

L’excellent Vinet est saisi d’effroi à la pensée d’être imprimé tout vif dans la Revue des Deux-Mondes ! […] Comme les fruits de sanctification remarquables dans la seconde vie d’Amaury n’ont jamais pu être portés que par une seule idée, il ne faut pas remettre à nos tâtonnements aveugles le soin de la reconnaître et de la saisir. […] Mais mon chien s’élançait en joyeux aboiements vers elle, et sautait follement vers l’essaim pour le saisir : celui-ci, tournoyant alors et redoublant de murmure, s’élevait avec une lenteur cadencée dans un rayon de soleil. […] Il n’en saisit pas uniquement l’aspect immédiat, mais l’idée secrète ; ses anecdotes sont poétiques et sa poésie semble de l’anecdote. […] Ce qu’on voit de loin et en gros, en grand même si l’on veut, peut être bien saisi, mais peut l’être mal ; on n’est très sûr que de ce qu’on sait de très près102.

1025. (1902) Propos littéraires. Première série

Le type est, nonobstant, singulièrement bien saisi. […] Non, sceptiques à l’égard des moyens humains de connaissance, profondément convaincus, et peut-être trop, de notre radicale incapacité de saisir, ou seulement d’entrevoir la vérité. […] Il y a moi, d’abord ; je me sens, je me saisis à chaque acte que je fais, à chaque parole que je prononce, bien mieux, à chaque pensée que j’ai. […] À la vérité, ne les saisissant que dans les sensations que j’en ai, je reconnais que ce n’est point les saisir, et que je ne prends possession que de mes sensations seules. […] Un homme qui ne se fait comprendre qu’en s’exprimant ne sera jamais saisi dans sa nature intime, à savoir dans l’inexprimable.

1026. (1927) Des romantiques à nous

Qu’ils l’aient chanté avec génie et de manière à saisir l’âme des générations qui les escortaient, cela suffirait à faire de leur poésie, l’héritière vivante de la chaire sacrée veuve d’auditeurs, d’eux-mêmes, les hommes de la place publique. […] Tel est l’émoi qui le saisit, comme il se rend auprès d’elle, qu’il en perd en route les flèches de son carquois. […] Mais ce sera affaire d’imagination plutôt que d’érudition que d’apprécier, de sentir cette vérité à la fois profonde et mouvante, tout comme ç’a été affaire d’imagination plus que de compulsation, que de la saisir et de l’établir. […] Des gamins, à qui on eût bien vainement fait entendre, non seulement de l’Eschyle ou du Racine, mais même du Michelet, les voilà saisis, enchantés par du Delteil et par du Rostand. […] Mais quand je lui exposais, pour repaître sa curiosité, quelque doctrine qu’il n’avait pu connaître par ses propres lectures, j’étais saisi de sa puissance et de sa rapidité d’assimilation.

1027. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Au milieu des passions de sa jeunesse, des entraînements emportés et crédules comme ceux du commun des hommes, Molière avait déjà à un haut degré le don d’observer et de reproduire, la faculté de sonder et de saisir des ressorts qu’il faisait jouer ensuite au grand amusement de tous ; et plus tard, au milieu de son entière et triste connaissance du cœur humain et des mobiles divers, du haut de sa mélancolie de contemplateur philosophe, il avait conservé dans son propre cœur, on le verra, la jeunesse des impressions actives, la faculté des passions, de l’amour et de ses jalousies, le foyer véritablement sacré. […] On doit maintenant saisir toute la différence native qu’il y a de Molière à cette famille sobre, économe, méticuleuse, et avec raison, des Despréaux et des La Bruyère. […] Mais la fresque est pressante et veut sans complaisance Qu’un peintre s’accommode à son impatience, La traite à sa manière, et d’un travail soudain Saisisse le moment qu’elle donne à sa main. […] Accompagnée du curé d’Auteuil, elle courut à Versailles se jeter aux pieds du roi ; mais le bon curé saisit l’occasion pour se justifier lui-même du soupçon de jansénisme, et le roi le fit taire.

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