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493. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Le fanatisme d’espérance qui avait saisi Klopstock, le chantre épique de la Messiade, et que ce grand et saint poète exhalait dans des odes enflammées et tonnantes comme des bombes d’enthousiasme allemand, ce fanatisme ne s’était pas entièrement communiqué à Goethe, mais il en ressentait quelques reflets. […] « Ordre saint, enfant béni du Ciel, c’est toi qui formes de douces et libres unions ; c’est toi qui as jeté les fondements des villes ; c’est toi qui as fait sortir le sauvage farouche de ses forêts ; c’est toi qui, pénétrant dans la demeure des hommes, leur donnes des mœurs paisibles et le bien le plus précieux, l’amour de la patrie. […] Le maître et le compagnon poursuivent leur œuvre sous la sainte protection de la liberté. […] C’est ce qui fait que le Laocoon expire avec beauté sous les nœuds et sous les morsures du serpent ; que Niobé meurt belle sur les cadavres de ses enfants percés par les traits du dieu de l’arc ; que le Christ de Michel-Ange rayonne sur la croix d’une divinité morale pendant que les clous transpercent ses mains et ses pieds ; son sang ruisselle de ses blessures, mais son âme ne sent que la sainte beauté de son sacrifice. […] C’est un jeu d’esprit au lieu de la plus sainte aspiration de l’âme, un matérialisme de mots au lieu du divin spiritualisme des pensées.

494. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Quelles délices solitaires et nocturnes j’éprouve dans mes tristesses et dans mes infirmités à relire ces confessions d’un Rousseau chrétien, et à rouler entre mes doigts distraits ces grains dont chacun a emporté les saintes prières de la pauvre femme d’Égraque (c’était le nom de son village, au bord de la Durance). […] toutes les croix sont saintes, toutes les douleurs sont sacrées, toutes les consolations sont vraies pour qui les éprouve. […] Alors on m’apporta l’amour de tous les âges, La colombe des saints, des vierges et des sages,         Messager providentiel Qui de tout temps, oiseau plus sacré que les autres, Va, du front de Jésus aux lèvres des apôtres,         Porter les messages du ciel. […] loi, cruelle loi, si tu n’étais pas sainte ! […] Je le vis réapparaître plein de piété populaire et d’extase mystique à côté de moi, crédule aux saintes idées d’un grand pas fait en avant vers Dieu par les peuples, confiant dans la lune de miel de la liberté, sans crime et sans tache ; somnambule de la liberté, il levait les bras en haut et cherchait l’horizon de la République !

495. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Je pensais à Dieu qui a fait notre prison si radieuse ; je pensais aux saints qui ont toutes ces belles étoiles sous leurs pieds ; je pensais à toi qui les regardais peut-être comme moi. […] Voyez la jeune et sainte solitaire. […] « Mimi m’a quittée pour quinze jours ; elle est à ***, et je la plains au milieu de cette païennerie, elle si sainte et bonne chrétienne ! […] J’y suis quand je veux avec Lamartine, Chateaubriand, Fénelon : une foule d’esprits m’entoure ; ensuite ce sont des saints, sainte Thérèse, saint Louis, patron de mon amie Louise, et une petite image de l’Annonciation où je contemple un doux mystère et les plus pures créatures de Dieu, l’ange et la Vierge.

496. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

« Ô femme aimée, ô femme pure et sainte » (10)50. […] Naturellement, il est toujours question de « sainte majesté », de « femmes divines », d’« iniques sentences », de « laver l’outrage », de la « glace des âmes », des « plaines d’azur du ciel »… Nous retrouvons aussi tout le bataillon de nos vieux amis : l’heure d’ivresse, qui rime avec tendresse, les saphirs et les zéphirs, courroux et jaloux, les flammes et les âmes, les armes et les alarmes… Quant aux changements de sens qu’a subis le texte de Wagner en passant par les mains de M.  […] Nous voulons qu’ils étudient les écrits de Wagner ; qu’ils apprennent à voir en lui plus qu’un simple musicien, un profond penseur ; qu’ils subissent ainsi l’influence de cet homme dont l’effort principal (quoique peu connu) a été de montrer que l’art est la chose la plus sainte, et le théâtre un lieu où peuvent vivre de la vie intense de l’art les plus profondes passions et les émotions les plus cachées, Y a-t-il au monde quoi que ce soit qui puisse influencer plus salutairement un artiste que le spectacle de cette vie virile tout entière vouée à un idéal, et de ce prodigieux effort vers la réalisation de cet idéal ? […] Le magicien Klingsor en avait profité pour se saisir de la lance du roi, objet sacré entre tous puisqu’il s’agissait de la sainte lance qui avait blessé le Christ au flanc. […] Parsifal a sauvé le royaume du Graal en rapportant la sainte lance jadis volée par Klingsor qui s’en était servi pour blesser le roi pêcheur Amfortas.

497. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Challemel-Lacour a traduite par ; « l’auguste pressentiment des saintes ténèbres éteint tout cela en nous affranchissant du monde se chantent de telle façon qu’Isolde est toujours en arrière d’un mot sur Tristan. Elle chante « saintes » lorsque, lui, il chante ténèbres », etc. La conséquence est qu’on ne comprend clairement que le premier et le dernier mot, qui sont dans le texte allemand ; saintes et éteint. […] Il a levé le voile de Maja : le « principium individuationis » est écarté ; « il ne fait plus d’égoïste différence entre sa personne et celle des autres, mats prend à la souffrance étrangère autant de part qu’à la sienne ; par suite, il est prêt à sacrifier son individu, pour sauver ainsi plusieurs autres frères en souffrance (IV, 68). » Wagner (1880, 258) : « Nous voyons le saint surpasser encore le héros (Parsifal surpasser Siegfried) dans sa passion pour la souffrance et le sacrifice. » Nous arrivons ici, dans le développement de la théorie Schopenhauérienne, à l’étude du Christianisme, et cela nous donne l’occasion d’examiner une explication que l’on a donnée de Parsifal. […] (III, 40) » Et autre part : « Unis, nous formerons le lien de la sainte Nécessité, et le baiser fraternel qui scellera ce lien sera l’Œuvre d’Art commune de l’Avenir : en elle nous serons un : « Divulgateurs et montreurs de la Nécessité, sachants de l’Inconscient, voulants de l’Involontaire, témoins de la Nature, — hommes heureux ! 

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