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397. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre III. Mme Sophie Gay »

Prenez-les toutes, si vous voulez, celles qu’on ne lit plus, depuis Mlle de Scudéry, qui écrivait des romans, jusqu’à Mme Barbié du Bocage, qui écrivit un poëme épique, les femmes, même avec de l’esprit et du talent, n’arrivent jamais à des succès qui durent, et c’est une justice de la destinée, car les femmes n’ont pas été mises dans le monde pour y faire ce que nous y faisons… Quand l’homme y fait l’ange, il y fait la bête, dit ce brutal de Pascal, mais lorsque la femme y fait l’homme, cela suffit, à ce qu’il paraît, pour arriver au même résultat. […] Donner à causer (on causait alors), lire ses romans à ses intimes, recevoir dans sa loge à l’Opéra les littérateurs qui, à Paris, sont toujours un peu femmes et qui aiment à se montrer à leur public ; un soir exhiber dans son salon le jeune Victor Hugo, l’enfant du génie, qui a commencé (ce qui n’est ni très poétique, ni très sauvage) par des succès de société, comme M.  […] Sa fille, Mme de Girardin, qui, en faisant comme un homme, et même comme un homme médiocre, des romans et des tragédies, eut le tort d’emprisonner ses jambes de déesse dans cet affreux bas qui botta si hermétiquement celles de sa mère, Mme de Girardin a du moins jeté quelques cris passionnés du cœur dans quelques beaux vers et fait un vrai livre de femme par lequel elle vivra, parce que c’est un livre de femme, pur de tout bleuisme. Elle écrivit ces feuilletons charmants du vicomte de Launay, chef-d’œuvre de la légèreté féminine, qui est pour le dix-neuvième siècle ce que les lettres de Mme de Sévigné sont pour le dix-septième, mais Mme Sophie Gay n’eut pas un pareil bonheur… Mme Sophie Gay, qui a fait une montagne de romans que je ne conseillerai à, personne de gravir, et dans lesquels je retrouve, ensemble ou tour à tour, les influences, déteintes ou mélangées, de Picard, de Droz, de Sénancourt, et surtout de Mme de Genlis, non pour la raison, que Mme de Genlis avait, mais pour l’agrément, que Mme de Genlis n’avait pas, Mme Sophie Gay a, comme sa fille, voulu une fois faire son livre de femme, — un livre dans lequel la prétention virile et l’imitation des littérateurs de son temps qui avaient eu du succès, — ces deux choses qui constituent le bas-bleuisme, — pouvaient n’être absolument pour rien, et ce livre, dont le titre frappe au milieu des autres titres de ses œuvres (la Physiologie du Ridicule), prouve au contraire combien chez Mme Gay, le bas-bleu avait rongé la femme, et combien elle était peu propre à traiter un sujet qui demandait plus qu’aucun autre les qualités naturelles à la femme, c’est-à-dire de la grâce sincère et, à force de finesse de la profondeur.

398. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Cela met du romanesque dans une gloire qui n’est elle-même qu’un roman. […] Il y a du roman, des voyages, presque de l’histoire, de la biographie, de la critique, de la correspondance… C’est assez de sujets et d’espace pour mettre beaucoup de talent, si véritablement on en a. […] Dans les Faux-Sauniers, que, sur le titre, on prend pour un roman et qui n’en est que l’ombre, — l’ombre d’un roman qui se dérobe et vous fuit toujours, — l’imitation de Tristram Shandy est presque grossière, tant elle est évidente !

399. (1895) Hommes et livres

Il ne lui a pas donné de pendant, aimant mieux dépenser sa gaieté en pièces de la foire et bâcler des romans pour vivre. […] Ce n’était pas seulement la forme du roman picaresque, c’était la forme typique et universelle du roman : celle de La Diane et de L’Astrée, celle de Clélie et de Zayde : et, au fond, qu’est-ce autre chose que le cadre de l’histoire d’Hérodote ? […] On ne saurait nier aussi que Le Sage, en créant le roman de mœurs, lui ait donné un caractère réaliste. […] Il a donné sa mesure dans ses journaux d’observation morale et dans ses romans inachevés. […] L’esprit qui peut, dans le roman, dessiner des profils amusants, est impuissant au théâtre à faire vivre des personnages.

400. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

II Or, quels romans devait écrire M.  […] Sylvestre Bonnard ne pouvait donc pas écrire des romans d’aventure ni même des romans romanesques. […] Ces données si simples sont faites pour enchanter les esprits malheureux qui n’aiment pas les romans compliqués. […] Il ne faudrait pas croire après cela que ces deux petits romans soient de la même famille que ceux de Xavier de Maistre ou, pour citer un moindre artiste, de M. Alphonse Karr ; de ces romans « humoristiques » dont Flaubert a dit dans Bouvard et Pécuchet : « L’auteur s’interrompt à chaque instant pour parler de sa maîtresse et de sa pantoufle.

401. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

De combien de romans ou de pièces, pourriez-vous en dire autant ? […] La plupart du temps d’ailleurs, le lecteur qui acheta le roman sur la foi d’une publicité de scandale se déclare volé et les éditeurs sont obligés, en mettant en vente le volume qui suit, à des frais plus grands pour un résultat moindre. […] La critique ne s’adresse qu’aux élites et sa portée est nulle sur le grand public et cela est si vrai que pour les gros lancements de romans populaires les éditeurs ont renoncé à l’article payé d’apparence critique pour revenir aux affiches. […] Charles Foleÿ (Écho de Paris), plus intéressé par les travaux de philosophie et d’histoire que par les romans, M.  […] Henri d’Alméras s’adonne aux romans de l’histoire (Émilie de Sainte Amaranthe, Cagliostro, Fabre d’Églantine, Les Dévotes de Robespierre, Le Marquis de Sade).

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