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594. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

Bergeret, secrétaire du cabinet du roi, il n’avait rien écrit, ou du moins il n’avait rien fait imprimer ; c’est un avantage qu’il ne garda pas toujours. […] Il n’entend rien à Colbert et ne lui tient nul compte des grandes et patriotiques entreprises qu’il eut l’adresse de faire adopter au jeune roi pour l’honneur de la nation. […] Il dira platement du Grand Condé : « S’il eût eu la patience de M. de Turenne, et si M. de Turenne eût eu la supériorité d’esprit de M. le prince, ils n’auraient jamais pris parti contre le roi, et tous deux seraient parvenus à être de grands hommes ; au lieu qu’ayant injustement contribué à déchirer leur patrie et à lui causer de grands maux par des guerres civiles, ils ne pourront jamais être mis par les connaisseurs qu’au rang des hommes illustres. » Le bonhomme n’est pas même content de M. de Turenne, lequel n’était pas assez Aristide pour lui. Mais si Bossuet pourtant s’oublie dans une oraison funèbre jusqu’à faire de l’ancien secrétaire d’État Le Tellier, de cet homme d’esprit doucereux et fin, une majestueuse figure de chef de justice et un pendant de L’Hôpital, on n’est pas fâché d’entendre l’abbé de Saint-Pierre réduire la figure à ses justes proportions, et mettant, comme on dit vulgairement, les pieds dans le plat, nous dire crûment : Il (Le Tellier) n’eut durant sa vie que le même but qu’ont les hommes du commun dans la leur, et ce but fut d’enrichir sa famille et d’augmenter son pouvoir tous les jours par des charges, par des emplois, par des alliances, par des richesses, par des dignités et surtout par la faveur du roi.

595. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

On pourrait dire du crime peint par Shakespeare, comme la Bible de la mort, qu’il est le roi des épouvantements. […] Lorsque les sorcières annoncent à Macbeth qu’il sera roi, lorsqu’elles reviennent lui répéter cette prédiction au moment où il hésite à suivre les sanglants conseils de sa femme, qui ne voit que c’est la lutte intérieure de l’ambition et de la vertu, que l’auteur a voulu représenter sous ces formes effrayantes ? […] Dans les monarchies absolues, les grands crimes politiques ne peuvent être commis que par la volonté des rois ; et ces crimes, il n’est pas permis de les représenter devant leurs successeurs45. […] Il place à côté des tourments de la douleur, l’oubli des hommes et le calme de la nature, ou bien un vieux serviteur, seul être qui se souvienne encore que son maître a été roi.

596. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 15, le pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractere des nations » pp. 252-276

Le cardinal De Gondi y aïant dit que c’étoit moins la faim que l’amour des parisiens pour le roi qui les obligeoit à traiter, la présence du roi ne put empêcher les jeunes seigneurs, présens à la conference, d’éclater de rire sur le discours du cardinal, qui devenoit véritablement comique par sa hardiesse. […] Si dans le temps de Cesar nous trouvons des gaulois dans le service des rois de Judée, de Mauritanie et d’égypte, ne voit-on pas aujourd’hui des françois dans toutes les troupes de l’Europe, et même dans celles du roi de Perse et du Grand Mogol ? […] Les naturels du païs, qu’on prétend avoir fait de si grands exploits de guerre sous Sesostris et sous leurs premiers rois, étoient déja bien dégenerez dès le temps d’Alexandre Le Grand.

597. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Les Grecs de la Sicile, de la Calabre et de la Campanie, leur donnèrent leurs divinités, leurs fables, leur alphabet et les caractères de leurs lettres ; les Étrusques, leurs superstitions, leurs augures et leurs combats de gladiateurs ; Athènes, Sparte et la Crète, leurs lois des Douze Tables ; des artistes Toscans et Samnites, leurs temples grossiers et leurs dieux de bois ou de terre cuite ; les peuples et les rois qu’ils vainquirent tour à tour, la forme de leurs armes et la manière d’attaquer et de se défendre. […] La grandeur de cet empire, qui s’étend sans cesse ; cette ville qui engloutissait tout, qui appelait tous les rois, tous les peuples ; ces généraux et ces soldats qui allaient conquérir ou gouverner les provinces, et parcouraient sans cesse l’Asie, l’Europe et l’Afrique ; tout cela était autant d’obstacles à ce que la langue romaine prît ou conservât une certaine unité de caractère ; peut-être même la facilité qu’eurent les Romains de puiser chez les Grecs tout ce qui manquait au système de leur langue ou de leurs idées, retarda leur industrie, et contribua à n’en faire qu’un peuple imitateur : ils traitèrent la langue et les arts comme un objet de conquête, usurpant tout sans rien créer. Cependant la langue d’un peuple guerrier tendait à la fierté et à la précision ; d’un peuple qui commandait aux rois, à une certaine magnificence ; d’un peuple qui discutait les intérêts du monde, à une certaine gravité ; d’un peuple libre et dont toutes les passions étaient énergiques et fortes, à l’énergie et à la vigueur : et lorsque cette langue fut enrichie de toutes les dépouilles des Grecs, lorsque les conquérants eurent trouvé dans les pays conquis des leçons, des maîtres et des modèles, et que les richesses du monde en introduisant à Rome la politesse et le luxe, y eurent fait germer le goût, alors l’éloquence s’éleva à la plus grande hauteur, et Rome put opposer Cicéron à Démosthène, comme César à Périclès, et Hortensius à Eschine. […] Assassin d’une partie de sa nation, et devenu le tyran de l’autre, César osait pardonner, comme s’il eût été un roi légitime qui eût combattu des sujets rebelles.

598. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemaître, Jules (1853-1914) »

. — Les Rois (1893). — Impressions de théâtre, 8e série (1894). — Myrrha (1894). — L’Âge difficile, trois actes (1895). — Le Pardon, trois actes (1895). — Les Rois, cinq actes (1895). — La Bonne Hélène, deux actes (1896). — Les Contemporains, 6e série (1896)

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