Henri Beyle est, comme Paul-Louis Courier, du très petit nombre de ceux qui, au sortir de l’Empire en 1814, et dès le premier jour, se trouvèrent prêts pour le régime nouveau qui s’essayait, et il a eu cela de plus que Courier et d’autres encore, qu’il n’était pas un mécontent ni un boudeur : il servait l’Empire avec zèle ; il était un fonctionnaire et commençait à être un administrateur lorsqu’il tomba de la chute commune ; et il se retrouva à l’instant un homme d’esprit, plein d’idées et d’aperçus sur les arts, sur les lettres, sur le théâtre, et empressé de les inoculer aux autres. […] Beyle abusera ainsi souvent d’une observation vraie en la poussant trop loin et en voulant la retrouver partout. Il est d’ailleurs très fin et sagace quand il observe que l’ennui chez les Français, au lieu de chercher à se consoler et à s’enchanter par les beaux-arts, aime mieux se distraire et se dissiper par la conversation : mais je le retrouve systématique lorsqu’il en donne pour raison que, dans la conversation, la vanité, qui est leur passion dominante, trouve à chaque instant l’occasion de briller, soit par le fond de ce qu’on dit, soit par la manière de le dire.
Il serait temps de rejeter à leur place, c’est-à-dire dans quelque note finale imperceptible, ces interminables histoires de papiers, ces aventures et odyssées d’une malle, ces pistes perdues et retrouvées, qui donnent des émotions à l’éditeur, mais auxquelles le public est parfaitement indifférent. […] Ceux qui ne l’ont connu que dans la dernière moitié de sa vie ne retrouvaient pas dans ce personnage grand, mince, un peu penché, dans cette figure fatiguée et dont la coloration elle-même était un indice de souffrance, ce qu’il avait pu avoir d’agréments et de grâce dans un âge plus favorisé. […] — L’année suivante en refaisant son mémoire autrefois couronné à l’Académie de Copenhague, il éprouvait de nouveau quelque chose de la même joie intellectuelle, tant il est vrai que ce n’est que le travail régulier et un cours tracé de production qui lui manque pour retrouver toute la conscience de lui-même et son équilibre : « Ce travail, dit-il, a duré un mois.
La distinction, l’élévation d’esprit et de sentiments de Mme de Boufflers nous sont suffisamment attestées et prouvées par tout ce que nous avons vu de ses actions et de ses paroles : c’est une personne qui a tout droit d’occuper l’historien littéraire ; nous ne l’inventons en rien, nous la retrouvons. […] Le prince de Ligne, regrettant le passé, la comptait dans son souvenir parmi les rares ornements d’une société comme il ne s’en retrouvera plus : « Une Mme de Boufflers, s’écrie-t-il, un peu paradoxale, mais qui, dans un cadre de simplicité, faisait pardonner son sophisme et sa supériorité d’éloquence ; bonne, protégeante dans la société, facile à vivre ! […] Un volume entier où l’on recueillerait la suite de ses lettres à Jean-Jacques et de Jean-Jacques à elle, où l’on mettrait la Correspondance de Hume exactement traduite, celle de Gustave III que l’on ne saurait manquer de retrouver, ce serait là, au défaut de sa tombe inconnue, son véritable tombeau, tout littéraire comme elle, et son durable monument.
C’est bien tel et sous ces traits tout conformes à son caractère que nous allons le retrouver et le reconnaître dans la charge nouvelle qui lui était déférée. […] La grande cloche de la ville avait retrouvé sa voix en 1561 ; son silence, qui rappelait une grande calamité publique, avait cessé. […] Que l’enthousiasme pour une lettre retrouvée ne nous emporte pas.
Mais l’homme, mais l’être sensible, on lui demande mieux, et nous le retrouvons dès le surlendemain, lorsque après une journée de marche dans la première plaine du sud, après une nuit passée au plus triste bivouac, au bord d’un marais vaseux et fétide, il décrit de la sorte l’impression qu’il reçoit de ce pays sans caractère et sans nom, qui n’est ni la vraie plaine, ni le vrai désert, et où il n’y a de vie que ce qu’il en faut pour mieux faire sentir la mort et l’abandon : « Était-ce fatigue ? […] Le paysagiste pur reparaît dans mainte page, — dans la halte si bien décrite autour du pistachier, cet arbre à tête ronde et aux larges rameaux en parasol, qui abrite un moment à midi la caravane rassemblée : « L’arbre reçoit sur sa tête ronde les rayons blancs de midi ; par-dessous, tout paraît noir ; des éclairs de bleu traversent en tous sens le réseau des branches ; la plaine ardente flamboie autour du groupe obscur ; et l’on voit le désert grisâtre se dégrader sous le ventre roux des dromadaires. » Quand il nous décrit, au contraire, la végétation monotone de l’alfa, espèce de petit jonc, plante utile qui sert de nourriture aux chevaux, mais la plus ennuyeuse aux yeux qui se puisse voir, et qui, régnant sur des étendues infinies, ressemble à « une immense moisson qui ne veut pas mûrir, et qui se flétrit sans se dorer », on retrouve l’homme dont le sentiment souffre et dont l’âme s’ennuie. […] Nous retrouverons de cette disposition dans son roman.