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327. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

Dans leur inanité laborieuse, les métaphysiciens ressemblent à ces prisonniers chez les Scythes, auxquels on crevait les yeux pour leur faire battre du lait dans les ténèbres. […] Il resta plusieurs années en Italie, où, paraît-il, il ne caressa pas que des abstractions… Cependant, malgré une jeunesse qui ressembla plus par les mœurs à celle d’un poète comme Byron qu’à celle d’un philosophe qui devait proclamer un jour la beauté de la continence et la nécessité de l’ascétisme, la métaphysique le tenait.

328. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

Caro est un exercice éblouissant de révérences qui m’impatienterait, si je ne savais pas que son auteur est bien assez spirituel pour imaginer cette amusante manière de rendre ridicule un homme, qui consiste à le saluer trop… Sans cela, sans cette petite intention de politesse meurtrière, j’oserais dire que l’urbanité — l’urbanité à outrance — est le vice de ce livre, si brillant de clarté, où des hospitalités de roi sont faites à des faquins d’idées, et où l’auteur, l’ironique auteur, coiffe ces sots de bonnets d’âne, hauts de dix pieds, qui ressemblent à des mitres à longues oreilles, enrichies de diamants pour qu’on les voie mieux. […] Messieurs de l’Ordre Composite en philosophie, les Compliqués d’Hegel et de Strauss, de Condillac et d’Auguste Comte, les hommes du dédain transcendant, comme Renan, qui en est l’inventeur et le professeur, ou de la plaisanterie athée, comme Taine, sont bien capables de comparer à un verre d’eau ce livre d’une simplicité transparente et brillante à la fois, et qui ressemble vraiment à de l’eau de source, traversée par un rayon du jour !

329. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

C’est un génie né de plusieurs pères, et qui, justement parce qu’il n’en faut qu’un, ressemble à trop de gens pour pouvoir ressembler jamais beaucoup à personne.

330. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Les éditions de la maison Lemerre, très comptées par les bibliophiles, ne ressemblent en rien à la plupart des autres livres du xixe  siècle. […] Les vrais poètes ressemblent à ces femmes qui pour avoir respiré un parfum de violettes, en passant, sentent par la bouche la violette tout un jour.

331. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

Quoiqu’il n’ait pas eu à se plaindre de la destinée autant que bien d’autres, plus grands que leur vie, qui passent lentement, qui passent longtemps, qui vieillissent, leur chef-d’œuvre à la main, sans que les hommes, ces atroces distraits, ces Ménalques de l’égoïsme et de la sottise, daignent leur aumôner un regard ; quoique son sort, matériellement heureux, n’ait ressemblé en rien à celui, par exemple, du plus pur artiste qu’on ait vu depuis André Chénier, de cet Hégésippe Moreau qui a tendu à toute son époque cette divine corbeille de myosotis entrelacés par ses mains athéniennes, comme une sébile de fleurs mouillées de larmes, sans qu’il y soit jamais rien tombé que les siennes et les gouttes du sang de son cœur, Beyle, de son vivant, n’eut pas non plus la part qui revenait aux mérites de sa pensée. […] Nous le répétons, n’être pas original est un moyen sûr de réussir vite en France, où c’est presque une impertinence pour chacun que de ne pas ressembler à tout le monde.

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