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384. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Dans cette raillerie de la princesse Wilhelmine, il se mêlait bien plus de gaieté encore et d’irrésistible sentiment du ridicule que de malice amère ; elle ne chercha jamais à rendre à personne le mal qu’elle en avait reçu. […] Il lui a rendu cette justice, qu’elle fit tout pour l’en tirer : Le vice à son aspect n’osait jamais paraître : De mes sens mutinés elle m’a rendu maître ; C’était par la vertu qu’on plaisait à ses yeux. […] On y voit la princesse qui ne tarde pas à revenir d’elle-même, et qui fait réparation à son frère pour les dégoûts qu’elle lui a donnés, et pour les injustices dont elle s’est rendue coupable envers lui. […] Un mûr examen sur moi-même m’a convaincue que, dans tout le cours de ma vie, je n’avais été coupable qu’à l’égard d’un frère que mille raisons devaient me rendre cher, et auquel mon cœur avait été lié depuis ma tendre jeunesse par l’amitié la plus parfaite et la plus indissoluble. […] Voltaire, reconnaissant de son procédé et de tout ce qu’elle eut avec lui de gracieux pour lui faire oublier l’accident de Francfort, lui a rendu ce témoignage : « Jamais une si belle âme ne sut mieux faire les choses décentes et nobles, et réparer les désagréables63. » L’aventure de Voltaire rendit Frédéric plus circonspect.

385. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Il est nouvellement arrivé et à peine établi à Montpellier, et dès lors, après une transplantation qui lui a fait sentir plus que jamais combien il est, lui et les siens, entre les mains de celui qui peut tout, il tient à se rendre un compte exact de l’emploi de son temps, « afin que si cet emploi est bon, il se réjouisse et rende grâces à Dieu, et que, s’il en perd quelque chose par distraction ou par sa faute, il le sache aussi et reconnaisse son malheur ou son imprudence ». C’est donc sous l’invocation souveraine et après s’être agenouillé qu’il prend la plume ; c’est dans une pensée de recueillement et de piété qu’il entreprend ce compte rendu quotidien, continué pendant dix-sept ans entiers, et qui ne cessera que seize jours avant sa mort. […] Casaubon, je désire vous veoir et vous communiquer ung affaire que j’ay fort à cueur : c’est pourquoy vous ne faudrez, incontinent la présente receue, de vous acheminer en ce lieu et vous y rendre pour le plus tard dimanche au soir, et m’asseurant que vous n’y manquiez, je ne feray celle-cy plus longue que pour prier Dieu qu’il vous ait en sa sainte garde. — Ce soir, de Fontainebleau, ce 28e jour d’avril 1600. […] Casaubon, en homme sincère, n’avait pu se dispenser, sur les points proposés à son examen, de s’unir à la déclaration de ses collègues et de rendre un verdict conforme à l’évidence des faits. […] La vue de cette Église bien ordonnée rendit un peu de repos à son esprit inquiet : surtout personne ne le tourmentait plus sur sa foi : il cessa d’être, comme il disait, sur le tranchant du rasoir.

386. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Au reste, qui s’est trompé sur La Fontaine a bien pu se tromper sur Béranger. » J’ai rendu, j’ai reproduit fidèlement l’impression de quelques sincères amis du poëte, et il était juste qu’elle se fît jour pour la première fois dans sa vivacité ; car en tout ce qu’on avait imprimé jusqu’ici sur Béranger, on n’en avait pas tenu compte. […] Il avait réellement la philosophie familière et souriante ; il croyait qu’on pouvait rendre la sagesse accessible et facile, la vulgariser à l’usage du grand nombre : « Oh ! […] Il y avait des temps où il disait : « La retraite est le but de mes désirs ; je veux terminer mes jours loin du bruit et d’une société qui finirait peut-être par me rendre misanthrope. […] Joseph Bernard : « Mon cher ami, je ne peux pas être dur avec leshommes qui aiment leurs semblables, quels que soient les torts dont ces bons cœurs se rendent coupables. […] — « Cher et excellent Maire, lui écrivait-il un jour qu’il était un peu en retard (4 janvier 1846), je ne puis trouver un moment pour vous aller rendre mes devoirs de respectueux administré.

387. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Il y rendit deux petites pierres et du sable. […] Les eaux de Bade paraissent à Montaigne plus actives que les autres, dont il avait essayé jusque-là ; il en boit avec grand effet et rend du sable. […] Les chicanes des douaniers y sont excessives, et pires qu’en la plupart des autres villes d’Italie ; on lui avait pris en entrant tous ses livres pour les visiter, entre autres un exemplaire des Essais qui avaient récemment paru : on ne les lui rendra qu’après examen et censure. […] On lui rendit avant son départ le volume des Essais qu’on lui avait saisi à l’arrivée. […] Montaigne, à ce premier séjour, avait passé à Rome près de cinq mois ; il se rendit de là aux bains de Lucques et revint encore à Rome avant de repartir pour la France.

388. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Je ne veux, entre ses divers romans, citer ici que les Souffrances du professeur Delteil, ce pauvre souffre-douleur de ses méchants écoliers, cet amoureux muet et désespéré d’une des trois sœurs modistes, et recommander la figure de ce docteur indulgent et tendre qui épouse celle même qui s’est rendue coupable d’une faute et qui le lui avoue. […] Malgré ce léger défaut d’action et de composition qui ne s’aperçoit qu’en y repensant et à l’analyse, l’effet de lumière est si vrai, si large, si bien rendu, si pleinement harmonieux ; la bonté, l’intelligence et les vertus domestiques peintes sur toutes ces figures sont si parfaites et si parlantes, que l’œuvre attache, réjouit l’œil, tranquillise le cœur et fait rêver l’esprit. […] Là où l’on est plus sûr de les retrouver et où leur signature apparaît authentique, c’est dans ces peintures ordinaires d’intérieurs de fermes, de repas de famille, de brebis qu’on fait boire à l’abreuvoir, etc. ; toutes scènes domestiques ou champêtres, peu variées, ou qui ne semblent guère que des variantes d’un même fond de tableau, mais toutes d’un ton juste, d’une couleur un peu grise ou crayeuse, mais saine, où rien ne dépasse d’une ligne la stricte réalité, et où elle nous est livrée encore plus que rendue dans son jour habituel, dans son uniformité même et sa rusticité. […] Comme il n’y a rien de tel en littérature que de lire, et en art que de regarder et d’observer, je décrirai encore deux de leurs tableaux d’intérieur dont j’ai vu les originaux chez l’auteur du présent livre, et je les rendrai sous l’impression exacte qu’ils m’ont laissée. […] Ce cas de manie par contagion ou par inoculation est très-bien rendu.

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