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1201. (1932) Le clavecin de Diderot

Sur son seuil, littérature et religion échangèrent des lettres de créance. […] Depuis longtemps, la Religion se plaisait à croire qu’elle avait, dans la personne de Pasteur, annexé la science. […] Sont invoqués, à tour de rôle, le sens commun, la religion. […] Il serait puéril de s’étonner de ces fraudes traditionnelles, qui sont la tradition elle-même, alors que nous avons vu comment, d’une science dont ils se crurent d’abord menacés, les messieurs de l’hygiène mentale ont fait une mine où puiser en faveur des impérialismes, idéaux putrides, obscurantisme, religions et leurs séquelles. […] La religion, toutes les religions (sans excepter celle du droit, telle que l’impérialisme capitaliste en a élaboré la doctrine) beaux prétextes à tueries.

1202. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Il nommera la Pucelle, le Poëme de la Religion, il le portera sous ce titre sur le petit catalogue que le mari doit payer. […] Il y a un auteur qui dit plaisamment que les Anglois ont trente religions différentes, mais qu’ils n’ont qu’un seul mets. […] ils veulent changer la religion. […] Les théologiens mêmes, permettent aux laïques d’écrire sur la religion, & d’en faire valoir les preuves. […] Ma foi, répliqua le chevalier de Saint-Louis, quand la religion n’aura que de pareils ennemis….

1203. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

« Et comme il va nous parler de la religion, ma chère !  […] Mais enfin le contraste est nettement tranché entre cette tendance et celle de la sombre et farouche religion castillane. […] Une religion florissante et dogmatique veut être prise à la lettre, et cet art a besoin de la liberté du mythe. […] Il garde, en religion, sa langue naturaliste. […] Théophile Gautier avouait déjà ses sympathies pour la religion du Prophète.

1204. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

À Salammbô s’incorpore aussi une existence symbolique, celle de la nature féminine orientale, le sexe passif sous les influences lunaires, le mysticisme diffus qui monte des gynécées, la religion sensuelle d’une cité phénicienne, d’autres choses encore, — de sorte que la fille d’Hamilcar est traitée en symbole de l’Orient comme la Cina de M.  […] Et Port-Royal, accablé par l’Église et l’État, donne, si l’on veut, à l’âme française séculaire, ce point central de religion que fait pour un temps, et pour un groupe de paysans lorrains, la colline foudroyée des Baillard. […] Tête droite et obstinée, il s’est attaché à la lettre de la religion, et la lettre l’a trompé. […] Il la voit surtout dans une religion qui fait de l’homme son propre confesseur. […] Notons qu’il y avait un ingénieur en puissance dans l’inventeur de la machine arithmétique et des carrosses à six sous, et qu’on trouverait, avec beaucoup d’artifice, un plan d’ingénieur dans l’Apologie de la religion chrétienne.

1205. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Ce qui offense la pudeur n’est jamais beau : le cynisme est la laideur de l’esprit ; il n’y en a pas beaucoup dans Horace : sa délicatesse le défendait contre ce vice de la langue latine ; mais la religion d’Épicure ne commandait pas les heureuses chastetés de la religion qui combat les sens comme des corrupteurs de l’âme. […] Mais si vous êtes seulement un homme de bon sens et de goût exquis, un amateur des délicatesses de l’esprit et des grâces de la poésie ; si vous ne sentez plus dans votre cœur ou si votre nature tempérée n’a jamais senti les brûlures sacrées ni les stigmates toujours saignants des fortes passions : amour, dévouement, religion, soif de l’infini ; si une félicité facile et constante vous a servi à souhait dans les différents âges de votre vie ; si vous avez passé l’âge des tempêtes, l’équinoxe de cette vie ; si vous êtes détrompé des hommes et de leurs vains efforts pour se retourner sur leur lit de chimères ; si vous avez vu dix révolutions et cent batailles soulever pendant soixante ans la poussière des places publiques et des champs de mort sans rien changer dans le sort des peuples que le nom de leur servitude et de leurs déceptions ; si vous avez vu les prétendus sages de la veille déclarés fous le lendemain, et les philosophies et les systèmes qui avaient fanatisé les pères devenir la dérision de leurs fils ; si la pensée humaine, toujours active et toujours trompée, vous a attristé d’abord par ce perpétuel enfantement du néant ; si, après avoir pleuré sur ce tonneau retentissant des Danaïdes qu’on appelle Vérité, vous avez fini par en rire ; si, sans chercher plus longtemps cette impénétrable moquerie du destin qui pousse le genre humain à tâtons de la vie à la mort, vous avez pris le parti de douter de tout, de laisser son secret à la Providence, qui, décidément, ne veut le dire à aucun mortel, à aucun peuple et à aucun siècle ; si vous vous laissez glisser ainsi sur la pente, comme l’eau de l’Anio qui glisse en gazouillant sous le verger d’Horace ; si vous n’avez ni femme ni enfant qui doublent et qui perpétuent pour vous les soucis de la vie ; si votre cœur, un peu rétréci par cet égoïsme qui se replie uniquement sur lui-même, a besoin d’amusement plus que de sentiment ; si vous possédez cet Hoc erat in votis , ce vœu d’Horace, un joli domaine aux champs pour l’été, une maison chaude l’hiver, tapissée de bons vieux livres ( nunc veterum libri ) ; si votre fortune est suffisante pour votre bien-être borné ; si vous avez pour amis quelques amis puissants, amis eux-mêmes des maîtres du monde, avec lesquels vous soupez gaiement en regardant combattre Pompée et mourir Cicéron pour cette vertu que Brutus appelle un vain nom en mourant lui-même ; enfin, si vous n’avez pas grand souci des dieux, et si les étoiles vous semblent trop haut pour élever vos courtes mains vers les choses célestes ; oh !

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