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300. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Si l’on transportait le même sujet, la même tragédie, dans les pays où les croyances sont différentes, rien ne serait plus différent aussi que l’impression que l’on en recevrait. […] Quelle impression recevaient-ils par le tableau de la mort et de la douleur ? […] Leur destinée était pour les Grecs un sujet national ; le poète dramatique, en les représentant, n’avait qu’à développer les idées reçues : il n’était point obligé de créer à la fois le caractère et la situation ; le respect et l’intérêt existaient d’avance en faveur des hommes qu’il voulait peindre.

301. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Tallemant des Réaux »

À Venise, l’impassible gueule du lion de bronze recevait aussi bien la dénonciation fausse ou troublée du goujat que le renseignement le plus vrai, tombé des mains les plus élevées et les plus pures de la République. […] Son imagination grise et froide n’en reçoit ni la chaleur ni le reflet, et par la nature gourde de son esprit, comme dirait Montaigne, il est condamné au triste rôle d’écrire des gaités sans gaîté, le plus fatigant des esclavages ! […] Ce livre rouge d’une police secrète faite par un homme qui s’était donné la mission redoutable de tout écrire de ce qu’il entendait dire tout haut ou tout bas dans les sociétés où on avait la bonté de le recevoir, ce livre, qui pouvait être quelque chose de grand, d’imposant, disons plus, de terrible, est tellement froid et le bavardage en est si visqueux, qu’on se demande en vain, quand on l’a lu, quel but autre que celui d’apaiser sa soif de sornettes eut des Réaux en l’écrivant ?

302. (1874) Premiers lundis. Tome I « Œuvres de Rabaut-Saint-Étienne. précédées d’une notice sur sa vie, par M. Collin de Plancy. »

Fils du célèbre ministre protestant Paul Rabaut, enfanté et nourri dans la proscription qui pesait alors jusque sur les femmes et les nouveau-nés de sa croyance, il traîna son enfance errante au milieu des Cévennes, à la suite de son père ; et c’est dans ces marches inquiètes de tous les jours qu’il reçut de lui les premières leçons, surtout les leçons de l’exemple, la constance à tout souffrir et la haine des proscriptions ; mais il n’y mêla jamais de haine contre les proscripteurs, du moins de cette haine active qui a soif de se venger. […] Ce fut un beau jour pour lui que celui où la liberté des cultes fut proclamée ; ce jour-là, il parla longuement et gravement ; ses paroles furent dignes et contenues ; elles devaient retentir bien haut dans sa bouche, et y recevoir une signification bien profonde pour qui savait que le malheur avait passé par là.

303. (1874) Premiers lundis. Tome II « Li Romans de Berte aus Grans piés »

Pour cela, la comparaison de nos épopées avec le cycle germanique, avec le cycle scandinave, devenait indispensable ; notre cycle de la Table Ronde en particulier en pouvait recevoir une vive lumière. […] Elle trouve un ermitage ; mais le vieil ermite ne la peut recevoir à cause d’un vœu, et d’ailleurs il ne sait trop si ce n’est pas une tentation ; car, malgré sa robe déchirée, la pâleur de son front et ses pieds en sang, Berte est bien belle.

304. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « En guise de préface »

Je serais fixe si je le voulais ; je serais capable de juger les œuvres, au lieu d’analyser l’impression que j’en reçois ; je serais capable d’appuyer mes jugements sur des principes généraux d’esthétique ; bref, de faire de la critique peut-être médiocre, mais qui serait bien de la critique… Seulement alors, je ne serais plus sincère. […] L’autre critique consiste à définir et expliquer les impressions que nous recevons des œuvres d’art.

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