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1375. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

« Elle était vêtue, comme la sibylle du Dominiquin, d’un châle des Indes, tourné autour de sa tête, et ses cheveux, du plus beau noir, étaient entremêlés avec ce châle ; sa robe était blanche ; une draperie bleue se rattachait au-dessous de son sein ; son costume était très-pittoresque, sans s’écarter cependant assez des usages reçus pour que l’on pût y trouver de l’affectation. […] L’on voyait, dans sa manière de saluer et de remercier pour les applaudissements qu’elle recevait, une sorte de naturel qui relevait l’éclat de la situation extraordinaire dans laquelle elle se trouvait ; elle donnait à la fois l’idée d’une prêtresse d’Apollon qui s’avançait vers le temple du Soleil et d’une femme parfaitement simple dans les rapports habituels de la vie ; enfin, tous ses mouvements avaient un charme qui excitait l’intérêt et la curiosité, l’étonnement et l’affection. » XVIII La célébrité de mademoiselle Necker, qui aurait effrayé les hommes supérieurs qui cherchent dans une femme une épouse et non une émule de gloire, éblouissait les hommes médiocres ; ils se flattaient de donner leur nom à une femme qui ajouterait à ce nom le lustre du génie ; ils s’imaginaient qu’un reflet futur de cette gloire rejaillirait sur leur propre médiocrité ; ils oubliaient qu’un homme ordinaire n’est jamais que l’ombre de cet éclat emprunté, que le mari d’une femme célèbre n’a plus même pour abriter sa vie intérieure l’obscurité de son foyer domestique. […] répliquai-je, « il ne s’agit pas de ce que je veux, mais de ce que je pense. » J’ignore si cette réponse lui a été rapportée, mais je suis bien sûre du moins que, s’il l’a sue, il n’y a attaché aucun sens ; car il ne croit à la sincérité des opinions de personne, il considère la morale en tout genre comme une formule qui ne tire pas plus à conséquence que la fin d’une lettre ; et, de même qu’après avoir assuré quelqu’un qu’on est son très-humble serviteur, il ne s’ensuit pas qu’il puisse rien exiger de vous, ainsi Bonaparte croit que lorsque quelqu’un dit qu’il aime la liberté, qu’il croit en Dieu, qu’il préfère sa conscience à son intérêt, c’est un homme qui se conforme à l’usage, qui suit la manière reçue pour expliquer ses prétentions ambitieuses ou ses calculs égoïstes.

1376. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Mais, il n’y a pas à dire, tout commence par l’impression qu’un individu reçoit d’une œuvre   et naturellement, je ne puis vous donner ici que la mienne. […] Un soir qu’il ne peut plus avancer, les serre-file le fusillent sous un pin, dans la neige, et l’homme reçoit la mort avec indifférence, comme un chien malade ; disons le mot, comme une brute. […] Peut-être l’auteur oublie-t-il trop que ces questions, passionnantes quand on les voit débattre par un grand philosophe ou par un grand poète, ne peuvent recevoir, d’une petite bourgeoise ou d’un honnête clergyman qu’une solution médiocre ; et peut-être nous surfait-il l’inquiétude métaphysique de l’humanité moyenne et son aptitude à philosopher.

1377. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

La Vierge y est au centre et reçoit pour son compte tout l’effluve du Saint-Esprit, qui, d’elle, se répand sur les apôtres. […] Il était mourant quand elle lui parvint : Ma position au séminaire n’a reçu, depuis nos derniers entretiens, aucun changement bien sensible. […] D’après des nouvelles que je viens de recevoir d’Allemagne, la place qui m’y était proposée est toujours à ma disposition 22 ; seulement, je ne pourrai en prendre possession avant le printemps prochain.

1378. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

La plupart d’entre elles ont un jour pour recevoir les autres. […] « Dans le monde, dit Mademoiselle, et les affectent de paraître fort retirées, quoiqu’elles cherchent fort le monde, ne bougeant de toutes les maisons de qualité où il va le plus d’honnêtes gens ; et cela même ne leur suivit pas, puisqu’elles vont dans celles où la marchandise est la plus mêlée et qui reçoivent toute sorte de gens sans distinction. […] Tout cela était gâté par son mauvais goût ; mais elle n’aurait pas été reçue trente années à l’hôtel de Rambouillet, si le mauvais goût n’avait laissé habituellement percer en elle un bon naturel.

1379. (1772) Éloge de Racine pp. -

L’homme de lettres, placé entre un héros et un monarque, a reçu de la patrie les mêmes témoignages de reconnaissance ; des plumes éloquentes en ont augmenté l’éclat et garanti la durée, et cet honneur n’a rien encore qui doive alarmer l’envie ; il n’existe que pour les morts. […] C’est de la nature que tu reçus cette sensibilité prompte qui réfléchit tous les objets qui l’ont frappée, ce tact délicat, ces vues justes et fines, ce discernement si sûr, ce sentiment des convenances, ce goût enfin cultivé par les leçons de port-royal, nourri par le commerce assidu des anciens, fortifié par les conseils de Boileau ; ce goût, qualité rare et précieuse, qui peut-être est au génie ce que la raison est à l’instinct, s’il est vrai que l’instinct soit le mobile de nos actions, et que la raison en soit le guide ; ce goût qui attache aux productions vraiment belles le sceau d’une admiration éclairée et durable ; qui sépare, par un intervalle immense, les Virgile, les Cicéron, les Horace, des Lucain, des Stace et des Sénèque ; qui seul enfin élève les ouvrages de l’homme à ce degré de perfection qui semblait au dessus de sa foiblesse. […] Racine reçut de Louis XIV et de son digne ministre Colbert des récompenses et des honneurs.

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