On sent en elle le besoin de vêtir chaque jour une âme nouvelle, le désir d’écarter la Réalité navrante et de s’évader chaque soir Vers les horizons bleus dépassés le matin.
Seulement Gassendi ne croyait que le railler ; il voulait qu’on l’entendît d’un esprit dépourvu du sens de la réalité ; mais Descartes, aussi attentif à toutes les réalités que les plus doués de ce sens, avait sur eux l’avantage d’avoir su se dégager de leur servitude par une force de volonté extraordinaire, et par une contention d’esprit vraiment effrayante. […] Car cette idée de l’infini, qui est en nous naturellement et universellement, qu’est-ce autre chose que l’image d’une réalité qui est hors de nous ? Et que peut être cette réalité, sinon Dieu lui-même, qui s’est comme imprimé en nous par l’idée de l’infini ?
Il faut donc bien distinguer, ce qui n’est pas toujours possible, entre la vraie déviation, celle dont le triomphe entraînerait la ruine, et la fausse déviation, celle qui aurait, en d’autres circonstances, pu produire une réalité durable et solide. […] La réalité a des lignes moins simples. […] Il y a peu d’années, une crise dangereuse et extrêmement intéressante a mis aux prises — pour ne rien dire des intérêts individuels, des convoitises ou des rancunes — l’esprit de justice et le respect de la chose jugée et de l’autorité en général, l’amour de la patrie et l’aspiration vers une humanité élargie et meilleure, le zèle pour la vérité quelle qu’elle fût, et le sens des conventions nécessaires, l’amour des grandes abstractions idéalisées et le souci de réalités qui imposent à la vie des concessions parfois dures. […] Dans la réalité pratique, la doctrine apparaît bien, çà et là.
Barrès a d’ailleurs résumé lui-même judicieusement la thèse des Déracinés : « L’Université, a-t-il écrit, méprise ou ignore les réalités les plus aisément tangibles de la vie française. Les élèves, grandis dans une clôture monacale et dans une vision décharnée des faits officiels ou de quelques grands hommes à l’usage du baccalauréat, ne comprennent guère que la race de leur pays existe, que la terre de leur pays est une réalité et que, plus existant, plus réel encore que la terre ou la race, l’esprit de chaque patrie est pour ces fils l’instrument de libération. » L’Appel au soldat pose un cas de psychologie de l’âme populaire. […] Ce livre est pris sur le vif de la réalité. […] C’est une sorte de roman artistique, que nous apporte ce retour à la tradition française et à la réalité humaine dans la conception ; au point de vue du style, c’est la revanche des vraies traditions de notre langue, que la brutalité naturaliste, le tarabiscotage psychologique, la bizarrerie décadente et l’influence des littératures scandinaves et des fantaisies symbolistes ont pendant si longtemps déformée et adultérée.
La bourgeoisie est l’expression d’une certaine tendance humaine à jouir bestialement des réalités matérielles. […] Il se mêle à ces substantielles réalités des velléités philosophiques émouvantes. […] Du moment que nous rentrons dans le monde des réalités, nous nous trouvons dans un monde de limites, Les limites font l’œuvre d’art, La Révolution française s’est basée sur certains principes bien définis, d’où vient sa durée. […] Ce livre est une vision incisive, ardente et navrée des réalités ignobles que le verbiage des « professionnels » affirme être de toutes beautés et toutes gloires.