Charles Morice Albert Jhouney, par la nature de son esprit orienté aux seules réalités absolues, est à merveille le poète pour qui la Beauté ne ressort que de la Vérité.
N’ai-je pas trop dit en insistant, ainsi que je l’ai fait, sur la distinction comme caractère principal de son talent et de son crayon au milieu même de la vulgarité ou plutôt de la réalité des sujets ? […] Marie est une exception, à ses yeux ; il la comprend, elle ; il l’accepte et la croit sur ce qu’elle dit et sur ce qu’elle oppose de résistance sincère : « tes femmes ont le semblant d’une chose dont vous avez la réalité. […] » Malheureuse Marie, belle, spirituelle, aimée, qui a eu trop d’esprit seulement, qui a trop craint la vulgarité, qui n’a pas compris que l’imagination ne consiste pas à rêver l’impossible, et que son plus sublime effort est de trouver « la poésie de la réalité » ; âme malade des préjugés de l’éducation et du faux idéal qui flottait dans l’air à cette époque ; une de ces femmes qui, avec toutes leurs délicatesses, ont des sécheresses soudaines qui froissent les cœurs délicats, et à laquelle enfin, pour tout reproche, Michel, en se séparant, a pu dire : « Marie, vous manquez de simplicité !
Jamais le feu de l’enthousiasme pour la chose publique, jamais la grandeur et la terreur qu’inspirent ces grands sauveurs révolutionnaires, hommes de glaive et d’épée, ne trouvèrent de plus vibrants et de plus vrais accents s’échappant à flots pressés d’une poitrine sincère : « C’est folie, s’écrie le poète, de braver ou d’accuser l’éclair et la foudre du Ciel irrité : et, à parler franc, beaucoup est dû à cet homme qui, de l’enclos de ses vergers domestiques, où il vivait retiré et austère comme si son plus profond dessein eût été de planter ses poiriers et de greffer sa bergamote, a su par son industrieuse valeur gravir et s’élever jusqu’à ruiner l’œuvre antique des temps et à jeter ces vieux royaumes dans un nouveau moule. » On sent ici comme la réalité anglaise et la franchise du ton se contiennent mal sous l’imitation classique, comme elles percent et crèvent en quelque sorte l’enveloppe d’Horace. […] Vous lui parliez de votre mère, de votre sœur, de votre maîtresse : « Allons, disait-il, c’est très-bien, mais revenons à la réalité… Que ferons-nous de Nucingen, de la duchesse de Langeais ?… » Il avait retourné la vie ; la réalité pour lui était le rêve.
Quand les lieux étaient voisins dans la réalité, l’acteur passait lentement de l’un dans l’autre : éloignés, il quittait la scène pour y rentrer aussitôt. […] Sur cette misérable scène de l’Hôtel de Bourgogne, à la maigre lueur des chandelles, le contraste de la réalité signifiée et de l’image figurée était trop fort ; on remarqua que la forêt était un arbre, la mer un bassin : on s’étonna que l’Allemagne et le Danemark, ou même la place Royale et les Tuileries ne fussent séparés que par quelques toises, et qu’en une heure le héros eût vieilli de trente ans. […] Les unités offraient une idée qui séduisit les honnêtes gens : celle d’une imitation exactement équivalente à la réalité, et capable ainsi de faire illusion.
Il y a là tout un délicieux marchandage qui exclut le pur amour, le don absolu de soi : c’est ce marchandage même, cette défense du moi, qui fait la réalité de la peinture. […] Autour de ses couples d’amoureux, Marivaux groupe diverses figures : les unes qui ont un air de réalité, sans être tout à fait prises dans la vie contemporaine, des pères indulgents et bonasses, des mères parfois tendres, plus souvent, et plus exactement, dures, grondeuses, acariâtres, des paysans trop spirituellement finauds et lourdauds ; les autres, types de fantaisie, des Arlequins, et des Trivelins, des Martons, et des Lisettes, valets et soubrettes délurés, à peine fripons, diseurs de phébus, et parodiant en bouffonneries quintessenciées le fin amour des maîtres. […] L’étude de l’homme universel est faite, et bien faite, par les tragédies et les comédies du siècle précèdent : il reste à appliquer les résultats de cette étude, à suivre les variations des types moraux dans les conditions où nous les rencontrons engagés : ce qui conduit encore à serrer de plus près la réalité extérieure.