Il est vrai que l’art, répandant sa lumière sur des caractères et des situations de choix, leur communique un éclat et un relief que la réalité n’a point ; mais enfin, le pouvoir d’observer avec exactitude est devenu la faculté comique par excellence, et l’imagination n’a plus qu’un emploi subalterne. […] parce que les scènes invraisemblables, le comique arbitraire, les cérémonies burlesques, les Turcs, la danse des dervis, dara, dara bastonnara, toutes ces charmantes folies enfin, qui sont comme un souvenir de la comédie ancienne, nous font sortir un peu de la réalité qui nous obsède dans les scènes avec le maître de philosophie et avec Nicole. […] La première comédie était le genre original et véritablement poétique, dont l’autre ne présente qu’une modification secondaire, plus voisine de la prose et de la réalité.
Il faut connaître à fond les hommes, afin de ne pas peindre des fantômes, mais des réalités. […] Or la politique a toujours deux aspects souvent très différents : un aspect extérieur, sur lequel le vulgaire juge par les apparences ; un aspect intérieur et intime, sur lequel les hommes d’élite jugent sur les réalités. […] Il avait de l’esprit, mais un esprit inapplicable aux réalités de la politique ; c’était ce qu’on appelle dans les affaires et dans les assemblées publiques un logicien, c’est-à-dire un homme qui vit à son aise dans le monde des idées, sans s’apercevoir que le monde des faits et le monde des idées se heurtent sans cesse et se contredisent nécessairement par la logique brutale des passions et des événements, qui n’obéit point à la logique des écoles.
Celui qui a soif de la réalité est entraîné hors de soi… Amiel n’a pas cet amour de l’univers qui fait qu’on n’a d’yeux que pour lui. […] Maeterlinck ne discute même pas la réalité objective du temps et de l’espace. […] Nous n’avons aucune connaissance directe de rien, pas même de notre âme ; mais toute réalité est symbolique, tout n’est que symbole. […] Il est possible que cette aventureuse synthèse exprime moins une réalité que les théories personnelles de l’auteur (ou plutôt des auteurs, car ils sont deux)67. […] La réalité ne l’intéresse que pour les idées qu’il en tire ».
À son arrivée sur la terre il choisit les cœurs les plus tendres et les plus aimables des hommes généreux et loyaux entre tous, il pénètre pour quelques instants dans ces cœurs élus, les remplissant par sa présence d’une douceur si étrange et si délicieuse, leur inspirant des sentiments si élevés, une vaillance et une vertu telles, que ses favorisés éprouvent, pour un instant, chose inconnue jusque-là au genre humain, la réalité même et non l’apparence du bonheur. […] Après cela, il en est parmi vous qui méprisent mes dons, sous le fallacieux prétexte qu’ils sont illusion et non réalité ; tant pis pour eux. […] Mais si cette faculté de grossissement n’est pas toujours heureuse quand elle s’exerce sur des réalités humaines ou concrètes, elle permet au poète de s’attaquer avec une puissance unique à certaines abstractions énormes, de taille à braver toutes les amplifications, comme les ténèbres, l’éternité, l’infini. […] C’est peut-être parce qu’il faut que les mots aient un sens concret qu’il a admis sans hésiter la réalité de ces abstractions qui épouvantent et troublent nos esprits. […] Capuana est bien plus près de nier la réalité du monde extérieur que celle de la personnalité humaine.
Son livre, et en général tous ses ouvrages depuis les Études jusqu’aux Harmonies, sont en ce sens une espèce de compromis entre l’ancien spiritualisme chrétien et l’observation irrécusable, je dirai aussi, le culte croissant de la nature : dans ses croyances à l’immortalité, il essaye, par exemple, de donner au ciel chrétien une réalité naturelle en faisant aller les âmes dans les planètes ou dans le soleil. […] M. de Humboldt, de nos jours, pour les grandes observations végétales en divers climats, a donné sur plus d’un point consistance et réalité scientifique à ce qui n’existait chez Bernardin qu’à l’état de vue attrayante et passagère ; Lamartine, de son côté, a repris en pur poëte bien des inspirations de Bernardin, et les a rajeunies, fécondées.