/ 2476
586. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

Or, jamais cette impersonnalité exigée par les rhétoriques, rêvée par les niais et jouée par les sournois, ne nous a paru briller plus clairement de sa fausse lumière que dans l’Histoire de France publiée par Léopold Ranke, — le meilleur ouvrage peut-être qui ait jamais été écrit pour prouver que l’indifférence olympienne est la qualité des dieux de marbre qu’on n’invoque plus, mais qu’elle n’est jamais qu’une hypocrisie de la pensée, qui, pour sa peine, — comme on va le voir, — en reste blessée et mutilée presque toujours. […] Mais il paraît que le bœuf aussi a la même horreur pour ce qui brille… Aux yeux de ces sortes d’esprits, Léopold Ranke, passant de l’état d’historien qui sent, se passionne et peint sa pensée, à l’état d’historien systématique et décoloré, est un grand esprit qui s’élève ; et si, à cette suppression de sentiment ou de mouvement, à cette recherche amoureuse sans amour de l’expression abstraite, à cette généralisation vague quand elle n’est pas fausse et fausse dès qu’elle s’avise de préciser, on ajoute la gravité, ce masque des têtes vides qui cache si bien, dans tant de livres contemporains, la platitude de la niaiserie sous l’imposance du sérieux, vous avez un de ces historiens composés de qualités négatives tels que les rationalistes philosophiques et littéraires conçoivent leur historien — leur caput mortuum — et l’ont souvent réalisé.

587. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Seulement ce défaut capital pour nous, gens de tradition et qui ne croyons qu’à l’Histoire, doit être pour l’Académie des sciences morales et politiques une triomphante qualité du mémoire qu’elle aurait dû couronner si elle avait vu clair. […] C’est le contraire de la jument de l’Arioste, qui avait toutes les qualités, mais qui était morte.

588. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

… Selon nous, ce poème de Melænis n’a aucune des qualités qui font vivre les œuvres, et nous ne croyons pas que le poète les ait davantage. […] L’imitation fatale ou libre, mais l’imitation, qui est la débilité de l’esprit poétique, et pourtant une des qualités de sa faiblesse, place ce volume à côté de ceux d’Émile Augier et de Louis Bouilhet, et ce qui l’en sépare n’est que la différence des poètes qu’ils imitent.

589. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Quand donc elle trouve sur son chemin, comme aujourd’hui, un livre qui sort par le relief, le mordant, la qualité, la solidité, le brochage vrai, la correction experte de la triste production contemporaine, elle en donne acte, avant de passer outre, à l’éditeur qui se permet cette nouveauté, ne dût-il être imité par personne dans ce temps d’extinction générale, de bon marché et d’égalité dans la misère ! […] Lui dont la plume ressemblait à l’archet de Paganini, mais, il est vrai, sans l’âme du violon céleste ; lui le linguiste, le rythmique, le métrique, — c’étaient ses qualités, et nous ne voulons pas les amoindrir, — il n’est plus, dans ces chansons dernières, qu’une espèce de jongleur, ivre de mots comme on l’est d’opium, et qui les triture et les hache dans sa furieuse folie de césures, de rimes, d’assonnances, d’enjambements.

590. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Quant aux qualités individuelles de l’auteur de Volberg, c’étaient réellement des qualités de poète.

/ 2476