/ 1999
651. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Je voudrais que ce Renard, en puissance chez lui, servît un peu à M.  […] Faute de Laforgue ce roman est resté en puissance, en sommeil, comme la Belle au Bois dormant. […] Il gardera toujours certaines puissances d’enfance qui lui maintiendront dans l’ombre sa rosée jusqu’au soir. […] Le tisserand de Raveloe symbolise l’homme avec autant de puissance concentrée et nue que les enfants de M.  […] Il y a en lui une volonté de domination, une puissance d’absorption comparables à ceux de la race anglo-saxonne.

652. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

I Arrivés au terme de cette longue revue, nous pouvons maintenant embrasser d’un regard l’ensemble de la civilisation anglaise ; tout s’y tient : quelques puissances et quelques circonstances primitives ont produit le reste, et il n’y a qu’à suivre leur action continue pour comprendre la nation et son histoire, son passé et son présent. […] Pareillement, si vous regardez l’Anglais au seizième siècle, vous découvrez en lui les penchants et les puissances qui, pendant trois siècles, vont gouverner sa culture et façonner sa constitution. […] Deux puissances la dirigent, l’une européenne, l’autre anglaise ; d’un côté ce talent d’analyse oratoire et ces habitudes de dignité littéraire qui sont propres à l’âge classique, de l’autre ce goût pour l’application et cette énergie de l’observation précise qui sont propres à l’esprit national. […] Les vieilles forêts antédiluviennes, en accumulant ici les aliments du feu, y ont emmagasiné la puissance qui remue la matière, et la mer fournit le vrai chemin sur lequel la matière peut être transportée.

653. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

XXI Il y a une puissance divine contre laquelle l’humanité, dans la personne de ses plus grands hommes, s’est insurgée dans tous les siècles, pour franchir aussi les limites prescrites à sa destinée mortelle par son Créateur, et qui, comme l’Océan, l’a toujours fait retomber en poussières et en écumes retentissantes dans son lit. Niez cette puissance, c’est la folie ; reconnaissez-la en l’adorant, c’est la sagesse. Cette puissance mystérieuse, invincible, souveraine, que les hommes refusent orgueilleusement d’avouer, voulez-vous que je la révèle à mon tour ? […] Et les misères morales, demandez-en le terme à ces myriades de douleurs qui poignent l’homme depuis qu’il a la puissance de sentir, c’est-à-dire de souffrir !

654. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Il y avait douze jours qu’il gardait le lit, avant la publication de ces bulletins médicaux ; ses forces physiques avaient visiblement décliné, mais sa vigueur d’esprit avait toute sa puissance, quoique la voix fût un peu plus fatiguée. […] Soumise, bien qu’à un moindre degré que les plantes et les animaux, aux circonstances du sol et aux conditions météorologiques de l’atmosphère, par l’activité de l’esprit, par le progrès de l’intelligence qui s’élève peu à peu, aussi bien que par cette merveilleuse flexibilité d’organisation qui se plie à tous les climats, notre espèce échappe plus aisément aux puissances de la nature ; mais elle n’en participe pas moins d’une manière essentielle à la vie qui anime notre globe tout entier. […] Ce sont les grands conquérants asiatiques qui, par la puissance de leurs armes, par le déplacement et le bouleversement des populations, ont surtout contribué à créer dans l’histoire ce double et singulier phénomène. […] Ce contraste, ces vues générales sur l’action réciproque des phénomènes, ce retour à la puissance invisible et présente qui peut rajeunir la terre ou la réduire en poudre, tout est empreint d’un caractère sublime plus propre, il faut le dire, à étonner qu’à émouvoir.

655. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Les gens épris du théâtre et de la musique connaîtront alors la puissance de son génie ; ils verront que l’œuvre wagnérienne est exclusivement une analyse psychique exprimée par des procédés nouveaux, parfaits ; et la différence alors sera manifeste à tous, entre ce drame profond, logique, vivant, et les vides sonorités conservatoriennes des compositeurs qui injurient Wagner, et profitent du wagnérisme qu’on suppose à leurs œuvres. […] Dès le commencement, l’alternative du bien et du mal, de la puissance et de la vertu, sera offerte à tout ce qui existe. […] Par l’audace et la simplicité de ses conceptions tragiques, par son intime connaissance des passions humaines, par son vers musical, par sa musique poétique, par l’invention d’une nouvelle forme mélodique qu’on a appelée la mélodie continue et qui fait que le chanteur chante sans avoir l’air de le faire exprès, par son merveilleux orchestre, qui joue à peu près le rôle du chœur dans la tragédie antique et qui, toujours mêlé à l’action, la corrobore, l’explique, en centuple l’intensité par des rappels analogues ou antithétiques à chaque passion du drame, Richard Wagner vous transportera extasiés dans un milieu inconnu, où le sujet dramatique, vous pénétrant avec une puissance incomparable par tous les sens à la fois, vous fera subir des émotions encore inéprouvées. […] Le symbolisme de la donnée acquiert d’autant plus de puissance qu’il a pour base plus de réalité.

/ 1999