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695. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Et comme nous lui déclarons fièrement qu’il n’y a pour nous qu’un public, non celui du moment, mais celui de l’avenir, il nous dit avec un haussement d’épaules : « Est-ce qu’il y a un avenir, une postérité ? […] Au fond, il est pris d’une inquiétude jalouse de l’acceptation de l’œuvre par le public présent ou futur, et alors il mêle les coups de boutoir aux reproches aigus, et sort de ses habitudes de politesse… Puis tout à coup, dans ses paroles, nous sentons percer la visite d’un ami qui ne nous aime pas. […] * * * Il est rare que les faiseurs de l’opinion en art et en littérature ne subissent pas la tyrannie des imbéciles : les guides du goût public en sont généralement les domestiques. […] — Nous nous rendons bien compte aujourd’hui que dans un caractère, dans un type, dans un personnage de roman, il faut un alliage de faux pour le faire accepter de la sympathie du public. […] Le public envahit le prétoire.

696. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Depuis quinze ans, nous l’avons loué outre mesure, pour lui faire rendre la justice qui lui était due, et que le gros du public lui refusait encore. […] La patience publique s’est lassée de cette comédie bruyante jouée au profit d’une autolâtrie d’emprunt », etc., etc. […] — est entré, il y a près de trente ans, dans les Lettres et dans la vie publique par un livre sur la Révolution française. […] Mignet, plus de sérieux et de profondeur : on sent que l’un écrit pour une société plus polie, l’autre pour un public plus mûr. […] Pendant que le gros du public, celui qui personnifie le sens commun, et chez qui l’on trouve, hélas !

697. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Cette lettre est adressée à Vettori, son ami, diplomate comme lui, et par lequel il est fréquemment consulté sur la conduite à tenir dans les affaires publiques. […] Quand ce moment sera venu, vous pourrez reprendre un peu place aux affaires publiques, veiller un peu plus à ce qui se passe dans l’État ; alors aussi vous me verrez quitter sur-le-champ ma métairie et accourir vers vous en vous disant : Me voilà ! […] Là, du moins, il avait son public restreint mais compétent. […] Nous sommes étonné qu’on ne mette pas le commentaire de Machiavel sur Tite-Live dans les mains de la jeunesse moderne qui se destine à la vie publique : ce serait un cours de sagacité. […] On a vu des Curtius du bien public, mais ce Curtius du crime n’exista certes jamais que dans l’imagination des imbéciles ou des pédants.

698. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

La vie politique de ces cités était concentrée sur la place publique, où l’éloquence décidait de tout, au moins dans les jours de liberté. […] La philosophie de l’histoire eut encore ses théoriciens absolus, comme Buchez et Louis Blanc, qui purent croire, par une illusion logique, à la nécessité et à la moralité supérieure de certains actes réprouvés par la conscience publique. […] César, Napoléon, de même que Danton et Robespierre, sont renvoyés devant le tribunal de la conscience publique, trop longtemps dominée par le spectacle des jeux de la force et des miracles du génie. […] Non, il n’est pas vrai que l’homme ne reste point libre dans toutes les vicissitudes, dans toutes les crises de la vie publique. […] La doctrine de la nécessité a pour effet d’énerver le sens moral et l’initiative personnelle aussi bien dans la vie publique que dans la vie privée.

699. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Il n’oublia jamais les avis que ce respectable vieillard lui avait donnés et qu’on ne saurait répéter trop souvent : « Empêchez, s’il se peut, lui disait Fontenelle, que vos amis ne vous louent à l’excès ; car le public traite à toute rigueur ceux que leurs partisans servent trop bien. […] Vicq d’Azyr avait à un haut degré le sentiment de la connexion et de la solidarité des sciences : en ce sens il avait l’esprit éminemment académique et encyclopédique, et, s’il nous paraît de loin aujourd’hui avoir été avant tout de la famille de ceux qui sont des messagers publics et des organes applaudis, nul ne peut dire de cet homme de talent sitôt moissonné, qu’il n’eût pas été aussi, à d’autres moments, un investigateur heureux et un inventeur. […] Le Comité de salut public avait publié une instruction à ce sujet. […] Il adressa donc, soit à la Convention, soit aux membres du Comité de salut public, une lettre dont il existe quantité de brouillons de sa main ; aucune rédaction ne lui paraissait assez républicaine, assez emphatique, et à la hauteur, comme on disait, des circonstances.

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