On s’imaginait tout connaître de cette intelligence profonde et grave, et dont l’éclat est d’autant plus vif et plus dardant que son bloc, comme celui du diamant, est plus massif et plus solide, quand, bien du temps après sa mort, on s’est avisé de publier sa Correspondance avec sa fille, qui étonna tout à la fois et qui ravit, et modifia, pour la plupart des lecteurs, qui n’ont pas vu le lion quand il aime, la physionomie de ce lion-ci, qui avait la grâce au même degré que la force, car il ne pouvait pas l’avoir davantage ! […] et qui déchira les entrailles de l’Europe après se les être déchirées à elle-même de ses propres mains, ni les conséquences de ce Protestantisme pulvérisateur qu’il détestait, et qui fait lever maintenant des atomes de poussière là où il y avait autrefois du ciment, n’arrachèrent à Joseph de Maistre, tout le temps qu’il vécut, sa foi profonde en une unité supérieure, qui, tôt ou tard, devait se reconstituer. […] La Correspondance diplomatique montre avec une gaieté amère la bêtise profonde de ces rois, têtus et mous, qui se perdent pour ne pas croire leurs serviteurs ou pour les craindre.
Il faut convenir que cette idée ne pouvait venir qu’à une tête poétique, et je dirai plus : — à une âme profonde. […] Là il y a réellement de grandes et fortes beautés ; là l’accent profond, la couleur vraie, l’âcre senteur du sujet et en beaucoup de pièces ses lueurs terribles ; car toute misère est terrible quand l’Idée n’est pas là pour la désarmer. […] Elle roule de l’angoisse dans le plus profond de ses flots.
Le poëte est là tout entier dans ses rêves de liberté sans limites, sa haine de la tyrannie sous toutes les formes, les démentis de son espérance, sa tristesse aussi profonde que sa confiance avait été aveugle et trompée : « Ô vous, nuages, qui, au loin sur ma tête, flottez et vous arrêtez, vous dont nul mortel ne peut régler la marche dans l’espace sans route ; vous, ondes de l’Océan, qui, vers quelque plage que vous rouliez, n’obéissez qu’aux lois éternelles ; vous, forêts, qui écoutez le chant de l’oiseau de nuit penché sur l’écorce d’une branche inclinée, hormis quand vous-mêmes, secouant vos rameaux, vous formez ce majestueux concert des vents devant lequel, comme un inspiré de Dieu, à travers des détours que nul homme des bois n’a jamais foulés, j’ai tant de fois égaré, parmi les herbes sauvages en fleurs, ma course éclairée de la lune, sous l’aspect ou l’écho de chaque image informe qui m’apparaissait, de chaque bruit insaisissable retentissant au désert ! « Ô vous, bruyantes vagues et vous, hautes forêts, et vous, nuages, qui prenez votre essor si loin au-dessus de moi ; toi, soleil levant, toi, ciel bleu qui charmes les regards, toute chose, enfin, qui êtes et qui voulez être libres, rendez-moi témoignage, où que vous soyez, et dites de quel culte profond j’ai toujours adoré le génie de la divine liberté ! […] Déjà le bruissement des arbres annonce une pluie, à la suite de la brise ; les flammèches d’un ciel d’été ont pris une teinte plus profonde et plus rouge : la lampe qui là-bas tremblote sur le fleuve projette de notre cabine son rayon vers nous ; et il nous faut reposer de bonne heure, pour trouver au réveil le vent salubre du matin.
De belles pensées graves, une pitié profonde pour les humbles et les petits, ont une certaine parenté avec les vers émus des Pauvres gens, de Victor Hugo.
Frédéric Plessis est un vrai poète, un des poètes de ce siècle qui ont l’intelligence la plus profonde, la plus subtile de l’âme antique.