Jadis le désordre et l’élan intérieur produisaient et excusaient les concetti et les écarts ; désormais on les fit à froid, par calcul et sans excuse. […] C’est qu’en effet il est le roi du goût et l’arbitre des lettres ; il juge les nouveautés, la dernière tragédie de Racine, une lourde épopée de Blackmore, les premières odes de Swift, un peu vaniteux, louant ses propres écrits jusqu’à dire « qu’on n’a jamais composé et qu’on ne composera jamais une plus belle ode » que sa pièce sur la fête d’Alexandre, mais communicatif, aimant ce renouvellement d’idées que la discussion ne manque jamais de produire, capable de souffrir la contradiction et de donner raison à son adversaire. […] Pour produire, il faut inventer une conception personnelle et conséquente ; il ne faut pas mêler deux conceptions étrangères et opposées : Dryden n’a pas fait ce qu’il fallait, et a fait ce qu’il ne fallait pas. […] V Arrêtons-nous pourtant un instant encore, et cherchons si, parmi tant de rameaux avortés et tordus, la vieille souche théâtrale, livrée par hasard à elle-même, ne produira pas sur un point quelque jet vivant et sain. […] Car le goût est un système instinctif, et nous mène par des maximes intérieures que nous ignorons ; l’esprit, guidé par lui, sent des liaisons, fuit des dissonances, jouit ou souffre, choisit ou rejette, d’après des conceptions générales qui le maîtrisent et qu’il ne voit pas ; elles ôtées, on voit disparaître le tact qu’elles produisent, et l’écrivain commet des maladresses, parce que la philosophie lui a manqué.
Celle que produit le portrait un peu métaphysique de madame de Staël est une impression d’antipathie. […] Il avait encore de clairs réveils : où serait la joie si l’enfance et le matin n’en produisaient pas ? […] Elle était grande et puissante, si l’on en juge par les effets qu’elle produisait, dit-on. […] L’esprit ne sort jamais de lui-même : ce qu’il croit sentir au dehors de lui, c’est en lui qu’il le sent, c’est lui-même qui le produit. […] La science, dit-il, produit le désir, qui produit l’action, qui produit la souffrance.
En 1800 il put, par tolérance, rentier en France Fontanes l’encouragea et le produisit. […] C’était un dilettante fécond, qui jouissait de toutes choses, et qui produisait toutes choses pour en jouir, se promenant à travers créations, comme les autres à travers les œuvres d’autrui. […] Il cessa dès lors, non de produire, mais de publier. […] La Fontaine lit, Lamartine écoute le vent, Hugo regarde ; puis ils laissent ce qu’ils ont recueilli en eux se transformer au creuset de leur âme, et ils produisent. — On dirait que Vigny ferme les yeux et les oreilles. […] Il en résulte qu’un des plus vigoureux penseurs parmi les poètes a peu produit.
Il a peu produit. […] Dès qu’elle s’est appliquée à élaborer un langage, elle a produit comme son fruit naturel la périphrase. […] Le moyen âge au contraire produit des œuvres nettement symbolistes, telles que le Roman de la Rose et la Vita Nuova. […] Et voilà la Muse qui produira beaucoup d’enfants et qui de tous points se place à l’opposé du Narcisse mallarméen et symboliste. […] Paphos s’impose, comme une hallucination niée par l’esprit en même temps qu’elle se produit aux sens.
Mais c’est aussi, sans doute, que Balzac avait deviné ce que produirait cette société de la Restauration. […] Il a fallu à la littérature allemande tout ce temps-là jour produire des œuvres « anti-guerre ». […] Mais le commerçant — ou l’éditeur — n’est pas une bête : il ne se livre à cette publicité que s’il constate que le produit « prend déjà », qu’il s’en manifeste un besoin ou un goût. […] Il est tout entier, en effet, le produit de sa mémoire, mais il est impossible de savoir si ses souvenirs sont volontaires ou involontaires, tant il semble toujours tout se rappeler. […] Suzanne et le Pacifique est un excellent exemple de l’intérêt, de l’amusement, peut-être aussi, pour certains, de l’agacement que peuvent produire cette manière.