Le drame commence. » C’est donc un drame ; et, en regard de cette première lettre, il n’y aurait plus qu’à placer pour plus d’effet cette autre lettre, la toute dernière, de la reine captive, « lettre encore tachée de ses larmes », et qui est aux Archives de l’Empire, où elle doit prochainement être exposée, dit-on, sous vitrine, aux regards des curieux. […] Mais on s’explique maintenant très bien qu’il y ait de si jolies choses, et propres à être citées, dans cette première partie de la Correspondance ; les gentillesses sur la Du Barry ; le mot attribué à Marie-Antoinette, « Française jusqu’au bout des ongles », qui répond si bien à l’accusation d’être Autrichienne : les croquis du comte de Provence, du comte d’Artois, qui ne sont que les portraits connus, un peu rajeunis, de ces personnages ; tout cela a été assez artistement contrefait pour séduire à première vue.
Il a parlé des premières Méditations avec esprit, mais sécheresse. […] Il a passé sous silence les secondes Méditations, supérieures encore aux premières, et plus admirables de plénitude et d’immensité ; il n’a pas nommé le Dernier chant de Child-Harold, où tant de sublimité abonde. […] En somme, la nomination de M. de Lamartine est une précieuse conquête de l’opinion publique sur l’esprit de notre premier Corps littéraire.
La génération surtout qui était venue trop tard pour participer à l’effervescence politique et s’embraser à l’illusion révolutionnaire évanouie vers 1824 ; cette génération étouffée, qui était au collège durant la plus belle ardeur de la Charbonnerie ; qui manquait la classe, le jour où l’on chassait Manuel, et qui, à son premier pas dans le monde, trouvant tout obstrué, allait se ronger dans la solitude ou se rétrécir dans les coteries ; cette génération cadette, dont Bories et ses compagnons furent les aînés, intelligente, ouverte, passionnée sans but, amoureuse indifféremment de Napoléon et de la République, de madame de Staël et de madame Roland, folle de René et des lettres de Mirabeau à Sophie, emportant sous le bras Diderot à la classe de rhétorique et Béranger à la classe de philosophie ; noble et chaleureuse jeunesse, qui se consuma trop longtemps dans des idées sans suite, dans des causeries sans résultat, dans d’interminables analyses ; dont les plus pressés s’affadirent si vite aux tièdes clartés des bougies, et s’énervèrent chaque soir dans l’embrasure de quelque fenêtre d’un salon doctrinaire ; cette génération-là surtout a souffert profondément, et a ressenti jusque dans la moelle de ses os la consomption de l’ennui et le mal rêveur. […] Sainte-Beuve — de rapprocher de ce jugement écrit par lui-même sur ses premières Poésies un autre article que nous ne pouvons donner comme de lui, et que nous trouvons dans la Revue des Deux Mondes, sur les Pensées d’Août, à la date du 1er novembre 1837. […] Moins que tous autres, nous voudrions poser des limites à l’indépendance de ceux que le public veut bien accepter comme juges en matière de goût : nous-mêmes, nous avons été des premiers à discuter, avec une sévérité peut-être minutieuse, le système de versification adopté par notre collaborateur.
Ses deux premiers volumes paraissent en 1749 : préparer les volumes suivants, sera l’unique affaire des trente-neuf années qui lui restent à vivre. […] La science était à la mode déjà : mais Buffon fit aimer une science sérieuse, de première main et d’incontestable valeur ; nous sommes loin avec lui de la physique amusante et des expériences d’amateur, qui, depuis Fontenelle, faisaient partie des divertissements de la vie mondaine. Mais, pour faire goûter son œuvre sévère et impartiale, Buffon eut besoin d’un talent d’écrivain de premier ordre.
» * * * Mais qu’est-ce qu’un coup d’État, qu’est-ce qu’un changement de gouvernement pour des gens qui, le même jour, doivent publier leur premier roman. […] C’est une joie plein la poitrine, une de ces joies, de première communion littéraire, une de ces joies qu’on ne retrouve pas plus que les joies du premier amour.