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490. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

C’est un sage aimable, un esprit de première qualité pour le bon sens, et qui sait entrer dans toutes les grâces. […] Ce qui contribua beaucoup à la lui adoucir, c’est qu’il vit bientôt arriver en Angleterre la belle duchesse de Mazarin, la nièce même de celui qui était la cause première de son malheur : il s’attacha à elle et l’aima pour son esprit, pour ses qualités solides, autant que pour sa beauté. […] Au premier rappel qui lui vint de sa dette, elle fit dire à Saint-Évremond qu’il toucherait cinquante pistoles dès qu’il le voudrait. […] C’était juste le moment où Ninon, cessant d’être la Ninon de la Fronde, de la régence et de sa première légèreté, devenait Mlle de Lenclos et passait au personnage qu’elle a de plus en plus perfectionné et soutenu jusqu’à la fin de sa vie. […] — Savez-vous bien, me dit un plaisant à qui je viens de faire lire ce même passage en latin, qu’à la manière dont parle votre abbé d’Olivet, je vais conclure qu’au xviie  siècle Mme de La Fayette et Mlle de Lenclos, par leur fonction d’oracles du goût dans le monde, ont été les deux premiers vicaires de Boileau ?

491. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Les chances, vous le voyez, ne seraient pas égales ; à peine nos deux muses seraient-elles prisonnières, que la vôtre pourrait bien avoir terminé sa triple besogne avant que la mienne, pauvrette, eût trouvé sa première inspiration de commande. […] Quelqu’un entre en cet instant : « c’est Annette, sa voisine ; au premier coup d’œil on voit bien que dans le cœur celle-là a des chagrins aussi : un moment après, on devine que le mal dans son cœur glisse et ne prend pas racine ». […] Nous ne sommes qu’à la fin du premier chant, ou, comme on dit, à la première pause. […] Cet oncle a compris qu’il s’agit pour elle de Jacques : il vend sa vigne, et, avec ce premier fonds, si Marthe guérit et travaille, on aura bientôt de quoi acheter le congé du soldat. […] Il eut à se défaire lui-même de ses premières habitudes, à débarrasser la superficie de la pierre, comme il dit, de ces couches étrangères qu’y avaient appliquées deux siècles civilisateurs.

492. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Cette connaissance première se renoua plus étroite à Toulon. Il alla, conduit par son père, passer à Metz son examen sous Laplace, dont la mine triste, froide et sévère lui imposa tant au premier abord, qu’il resta court, sans pouvoir dire son nom. […] En février 1793, lieutenant en premier dans une compagnie d’artillerie qui n’avait pas de capitaine, il préluda par une espèce de commandement. […] Le caractère de Marmont dans toute cette première partie de sa carrière, où il ne commande pas en chef, est une valeur intelligente et un feu que le coup d’œil dirige. […] Il indique comme première condition de salut le besoin d’établir l’unité de commandement, et de réunir sous une même autorité toutes les troupes et tout le pays depuis Bayonne jusques et y compris Madrid et la Manche.

493. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Vous savez qu’à la seconde création, parmi les grandes herbes et sous le dôme de ces forêts gigantesques, on vit se dérouler de monstrueux reptiles, premiers essais d’organisation animale, premiers propriétaires de cette terre, dont ils étaient les seuls habitants. […] Jouffroy rend les premières fausses ; or, les dernières dépendent des premières ; de sorte que tout croule, et qu’il n’y a plus rien debout. En effet, reprenez ces premières propositions : « Tout être a une fin. […] Notre premier bonheur est de vivre parmi nos semblables, et pour le fond de l’âme, M.  […] Ces beaux objets communiquaient leur calme à son âme, et ses premières pensées s’éveillèrent, non dans un malaise secret, mais dans un heureux recueillement.

494. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Il a manqué à la réputation de M. de Meilhan quelques années de plus de durée pour être fixée et enregistrée dans l’opinion, et pour que l’auteur fût classé à son tour dans la série des moralistes, à la suite des hommes célèbres dont il a si bien déterminé le caractère et distingué les mérites aux premières pages de ses Considérations sur l’esprit et les mœurs (1787). […] Necker comme à un ennemi personnel, à un rival qui lui avait volé sa place et la confiance de son malade. — Gabriel Sénac de Meilhan était fils de Sénac, premier médecin de Louis XV. […] Necker était alors dans tout l’éclat et la faveur de sa première disgrâce ; il triomphait dans le public par ses écrits sur les finances ; il faisait secte dans le monde des femmes et des gens de lettres. […] En général, c’est un mérite de M. de Meilhan, il ne parle de Louis XIV et de cette époque qu’avec respect et en connaissance de cause ; dans un parallèle entre Louis XIV et Henri IV, il ose, malgré l’engouement de l’opinion, donner la préférence au premier ; il parle de Mme de Maintenon sans l’injurier jamais et, au contraire, en l’admirant. […] [NdA] M. de Meilhan présente ces premiers degrés d’élévation et cet acheminement du prince de Montbarrey au ministère sous un jour particulier, dans le portrait qu’il a donné du marquis de Pezay.

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