Il y éclate en une vue psychologique qui présente ; tous les personnages sous le jour d’une même déformation, et les montre atteints d’une même tare. […] Mis aux prises avec cette nouvelle réalité, son pouvoir de s’imaginer autre qu’elle n’est trahit encore son impuissance à modifier le monde extérieur ; aucune image adverse ne peut empêcher que les effets souscrits ne soient présentés à leur échéance, qu’impayés ils ne soient protestés. […] Il est aisé de distinguer dans l’œuvre de Flaubert un Bovarysme sentimental dont Mme Bovary et Frédéric Moreau sont, avec des différences d’intensité, les prototypes, un Bovarysme intellectuel dont le même Frédéric Moreau nous présente le cas sous son aspect le plus général, un Bovarysme de la volonté que l’on découvrirait à l’analyse chez Deslauriers. […] Quelle influence singulière nous arrache ainsi à nous-mêmes et à l’heure présente, dressant l’idée en face de l’instinct, créant, à côté de nos besoins réels, des besoins imaginaires auxquels nous donnons l’avantage ?
* * * — Il y a une somme de bêtise que les peuples ne peuvent pas dépasser, sous peine de périr, et la France où l’on ne veut plus qu’il y ait une statue pour Charlemagne, me semble, à l’heure présente, une nation mûre pour le démembrement, pour le dépècement. […] Dimanche 2 mars La timidité, cette paralysie de ma valeur personnelle en société, pendant toute ma jeunesse et ma maturité, cet état nerveux, où en présence de deux ou trois imbéciles inconnus, j’éprouvais comme un nœud de l’aiguillette de l’esprit, il me semble que je m’en suis débarrassé à l’heure présente, mais il n’y a pas bien longtemps. […] Au fond dans les tableaux hippiques, il y a une convention pour le galop… On fait tous les chevaux galopants maintenant, à l’image de Pégase, les quatre pieds dans l’air, et le dévorant… et jamais le galop, à moins d’un éloignement infini, ne se présente ainsi… Enfin c’est la mode moderne… Le curieux, tu connais les bas-reliefs du Parthénon, eh bien, je les ai étudiés à fond, c’est extraordinairement juste… bien plus juste que tous les Horace Vernet du monde… Il y a là dedans une volte d’un cheval sur ses pieds de derrière… c’est d’une rouerie… Oui, dans ces bas-reliefs, c’est tout le contraire, du galop contemporain… toujours les deux jambes de derrière sont ramassées sous l’arrière-train… pourquoi cela ? […] Samedi 1er novembre Vierge un dessinateur du plus grand talent, l’unique illustrateur de l’heure présente, mais en ce moment sur la pente de l’ombre chinoise.
Plus tard les poètes, les historiens, les orateurs, les grammairiens, les sophistes, les auteurs de tout genre nous présentent, tant dans la Grèce qu’à Rome, des analogies moins paradoxales et non moins honorables avec ce que nous appelons aujourd’hui homme de lettres. […] C’était certes un heureux début pour cette classe naissante que de présenter au monde des hommes tels que les Estienne, les Scaliger, les Érasme, et surtout les Montaigne. […] À ces avantages qu’on peut alléguer en faveur de la position présente de l’homme de lettres, hâtons-nous d’opposer les inconvénients qu’elle entraîne. […] Nous pourrions citer mille exemples d’humanité et de courtoisie donnés dans la guerre présente par les officiers des nations belligérantes.
Le dédain de l’athlète pour les armes qu’on lui présente. — V. […] Dans Déro et ses frères on présente bien au père le vêtement ensanglanté de Déro, mais ce conte n’est pas d’inspiration indigène. […] Moi-même je suis resté quelque temps indécis, me demandant si je ne devais pas les présenter dans la forme brute sous laquelle ils m’avaient été contés. […] Je le croyais d’autant plus que dans aucun des récits recueillis par moi, au Sénégal et en Guinée, je n’en avais trouvé la moindre trace et que les contes des Mille et une Nuits n’en présentaient point d’exemple dans la traduction, d’ailleurs médiocrement fidèle, de Galland.
Or nous venons de montrer que là où il n’y a pas quelque mémoire, quelque conscience, réelle ou virtuelle, constatée ou imaginée, effectivement présente ou idéalement introduite, il ne peut pas y avoir un avant et un après : il y a l’un ou l’autre, il n’y a pas les deux ; et il faut les deux pour faire du temps. Donc, dans ce qui va suivre, quand nous voudrons savoir si nous avons affaire à un temps réel ou à un temps fictif, nous aurons simplement à nous demander si l’objet qu’on nous présente pourrait ou ne pourrait pas être perçu, devenir conscient. […] On ne s’étonnera donc pas si la propriété d’être perçu ou perceptible est exigée par nous, dans la présente recherche, pour tout ce qu’on nous offrira comme du réel. […] Pour le développement des vues présentées ici, voir l’Essai sur les données immédiates de la conscience, Paris, 1889, principalement les chap.