La tentation de la politique générale était trop présente et revenait trop souvent, les raisons d’utilité et de bien public étaient trop spécieuses, les engagements de parti étaient trop impérieux pour permettre à M. […] Si, à force de le proclamer et de le présenter d’une certaine manière, on produisait plus d’irritation que d’encouragement, on passait le but, on le manquait. […] Il eut besoin de quelque apprentissage pour devenir grand orateur ; il n’en eut pas besoin pour être le théoricien politique qui présenta aussitôt la Révolution accomplie de la façon la plus monarchique et la plus digne. […] quand on publie ses Mémoires de son vivant, on s’expose à un jugement complet de son vivant ; on le réclame ; car ne demander qu’un simple jugement littéraire en venant présenter au public toute sa personne, toute sa vie, ce serait par trop diminuer le droit du lecteur et rabaisser sa juridiction.
Sandeau, après avoir parlé librement et médit d’un chacun, est présenté comme s’arrêtant devant un seul nom, celui de Gustave Planche ; il coupe court, sur ce que celui-ci est, dit-il, son ami particulier ; ce qui était vrai en effet. […] Sandeau, son auteur de prédilection ; le premier dîner en tête-à-tête qu’il offre à celui-ci chez Bignon ; le dîner qui lui est rendu à un restaurant plus modeste hors barrière, le père Moulinon, où se réunissaient les gens d’esprit pauvres et un peu bohèmes, les « surnuméraires de l’art et de la littérature » ; puis, au sortir de là, une soirée de lecture dans un salon à la mode où il est présenté et où, pour payer sa bienvenue, il se pique de spirituelle impertinence. […] cette tentation, sous la seule forme où elle pouvait se présenter à un homme de sa sorte, l’auteur des Jeudis l’a éprouvée, et il n’a pas su y résister. […] Mais enfin M. de Pontmartin est meilleur juge de sa situation que nous ; il en dit trop pour qu’il n’y ait pas du vrai dans ses doléances, et il se présente dans tout son livre comme si mécontent, si battu de l’oiseau, si en guerre non seulement avec nous autres gens de lettres, mais avec les personnes de sa famille, avec les nobles cousines qui ont hérité d’un oncle riche à son détriment, avec les amis politiques qui lui ont refusé un billet d’Académie pour une séance publique très-recherchée, avec ses paysans mêmes et les gens de sa commune qui ont traversé indûment son parc et à qui il reproche jusqu’aux fêtes et galas qu’il leur a donnés, qu’il est impossible de ne pas voir dans tout cela une disposition morale existante et bien réelle, celle de l’homme vexé, dépité.
. — Se représenter une sensation, c’est avoir présente l’image de cette sensation c’est-à-dire cette sensation elle-même directement répétée et spontanément renaissante. […] En effet, on a vu que nos sensations ne sont que des totaux composés de sensations élémentaires, celles-ci de même, et ainsi de suite ; qu’à chacun de ces degrés de composition le total se présente à nous avec un aspect tout autre que celui de ses éléments, que par conséquent, plus ses éléments sont simples et reculés loin des prises de la conscience, plus ils doivent différer pour nous du total accessible à la conscience, en sorte que l’aspect des éléments infinitésimaux au bas de l’échelle et celui de la sensation totale au sommet de l’échelle doivent différer du tout au tout. […] Si nos deux conceptions de l’événement mental et de l’événement cérébral sont irréductibles entre elles, cela peut tenir sans doute à ce que les deux événements sont en effet irréductibles entre eux, mais cela peut tenir aussi, d’abord à ce que l’événement, étant unique, nous est connu par deux voies absolument contraires, et ensuite à ce que l’événement mental et ses éléments derniers doivent forcément se présenter à nous sous des aspects absolument opposés. […] On voit par là l’importance de l’événement central ; quel qu’il soit, il communique son caractère au reste. — Or, des deux points de vue par lesquels nous l’atteignons, l’un, qui est la conscience, est direct : connaître une sensation par la conscience, c’est avoir présente son image, qui est la même sensation réviviscente.
Cette doctrine qui porte, en Angleterre, le nom générique de « Psychologie de l’Association » (Association-Psychology), dans James Mill n’en est encore qu’à son début ; mais appuyée sur les travaux antérieurs de Hume et de Hartley, elle se présente déjà chez lui sous une forme nette et arrêtée, comme on en va juger. […] Tout se réduit donc à une association d’idées, puisqu’il n’y a que l’idée du moi présentée (moi qui se souvient), l’idée du moi passé (le moi dont on se souvient), et l’idée d’une série d’états de conscience qui remplissent l’intervalle. […] C’est que toutes les fois qu’il se présente, il éveille un nombre infini d’idées de ces individus ; et comme il les éveille en combinaison étroite, il en forme une espèce d’idées complexe. » « De là résulte que le mot homme n’est ni un mot répondant à une simple idée, ce qui était l’opinion des réalistes ; ni un mot ne répondant à aucune idée, ce qui était l’opinion des nominalistes ; mais un mot éveillant un nombre infini d’idées, par les lois irrésistibles de la sensation et en formant une idée très complexe et indistincte, mais non pas intelligible pour cela. » C’est dans le but de dénommer, et de dénommer avec une plus grande facilité, que nous formons des classes : et c’est la ressemblance qui, quand nous avons appliqué un nom à un individu, nous conduit à l’appliquer à un autre et à un autre, jusqu’à ce que le tout forme un agrégat, lié par le commun rapport de l’agrégat à un seul et même nom. […] Mais parmi les nombreux antécédents et conséquents qui forment la matière de notre expérience, quelques-uns se présentent dans un ordre constant, d’autres dans un ordre variable.
Les sentiments, les situations, les caractères que Voltaire nous présente, tiennent de plus près à nos souvenirs. […] Dans cet avenir incertain qui se présente confusément au-delà du terme de notre être, ceux qui nous ont aimés semblent devoir encore nous suivre ; mais si nous avions cessé d’estimer leurs vertus, de croire à leur tendresse ; si nous étions déjà seuls, où serait l’appui d’une espérance ? […] Je vais maintenant examiner l’esprit actuel, et présenter quelques conjectures sur l’avenir.