/ 2003
1216. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Mais je crains quelques hommes artificieux et pervers qui ont marché les premiers sous mes drapeaux ; qui, toujours pleins d’emportement, veulent pousser la foule aux partis extrêmes, et qui osent accuser Washington de ne pas assez aimer la liberté.” […] Ceux-ci descendent sur les sables où fut Carthage, pour redemander à un peuple féroce des captifs qu’ils n’ont jamais vus, mais qu’ils regardent comme leurs frères ; ils ont même quelquefois poussé l’héroïsme jusqu’à prendre la place du prisonnier, que leurs dons ne suffisaient pas à racheter. Ces héros d’une espèce toute nouvelle poussent encore plus loin, s’il est possible, l’enthousiasme de l’humanité. […] L’ennemi pousse des cris de victoire, le destin de l’armée chancelle, la nation tremble pour son roi. […] On nous permettra de ne point pousser jusque-là la fidélité de reproduction.

1217. (1864) Études sur Shakespeare

La prédominance du goût populaire y poussa quelquefois la représentation tragique à un degré d’atrocité inconnu en France, dans les plus grossiers essais de l’art ; et l’influence du clergé, en épurant la scène comique de l’excessive immoralité qu’elle étalait ailleurs, lui fit perdre aussi cette gaieté maligne et soutenue qui est l’essence de la vraie comédie. […] Macbeth a bien pris son parti sur le crime ; aucun fil ne retient plus ses actions à la vertu ; et cependant qui peut douter que, dans le caractère de Macbeth, à côté des passions qui poussent au crime n’existent encore les penchants qui font la vertu ? […] Macbeth, qui, après avoir tué Duncan, est poussé, par la terreur même de son forfait, à tuer les chambellans à qui il veut l’attribuer, ne nous permet pas de douter de la facilité avec laquelle il commettra les forfaits nouveaux dont il aura besoin. […] C’est bien là la tyrannie et le malheur ; c’est bien là ce qui appelle les révoltes des peuples et pousse aux complots les derniers défenseurs de leurs libertés. […] Que l’action nous eût révélé les maux que traîne avec soi l’oppression ; que nous eussions vu Joad excité, poussé par les cris des malheureux en proie aux vexations de l’étranger ; que l’indignation patriotique et religieuse du peuple contre un pouvoir « prodigue du sang des misérables » fût venue légitimer à nos propres yeux la conduite de Joad ; l’action ainsi complétée ne laisserait dans notre âme aucune incertitude ; et Athalie nous offrirait peut-être l’idéal de la poésie dramatique, tel du moins que nous ayons pu le concevoir jusqu’à ce jour.

1218. (1913) Poètes et critiques

Ce n’est pas ce calque déplaisant des traducteurs infatués d’exactitude ; on en a vu, et non des moindres, pousser jusqu’à l’absurde le scrupule du sens littéral et grossier. […] Ce besoin d’agir, qui borna, de bonne heure, les ambitions du professeur à une chaire de lycée de province, poussa pourtant cet excellent Français hors des frontières de la France. […] Leur tour d’esprit, leur éducation les poussent à situer les auteurs, les écrits, dans des catégories qui les encadrent de manière à prêter aux faits, aux paroles, aux physionomies, une apparence inattendue et quelquefois un air d’originalité ; mais, le plus ordinairement, tout ce système préconçu, échafaudé sur des préventions, déforme les aspects de la réalité ou nous la fait perdre de vue. […] Il a pris un chemin déserté et où l’herbe poussait, celui qu’avait connu et pratiqué jadis le sérieux, l’original Vinet. […] Ni à l’heure, déjà surprenante, de ses débuts, ni au moment, presque miraculeux, de sa maturité, ni dans le crépuscule louche et affligeant de sa caducité précoce, Verlaine n’a été ce rustique inspiré, que son irrésistible instinct pousse aux vulgarités, aux images obscènes, mais par moments transporte, transfigure et fait rayonner comme un dieu.

1219. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Ils poussèrent encore plus loin la vengeance : à la répétition d’un opéra, ils le firent, dit-on, pendre en effigie à l’orchestre. […] Les anciens ont poussé très-loin la gravure, quoiqu’ils n’aient pas connu les estampes : cette découverte est moderne, & nous en sommes redevables à un orfévre Florentin. […] Il poussa si loin la magie de l’art, qu’ayant représenté des raisins dans une corbeille, des oiseaux séduits vinrent pour becqueter les grapes. […] Les jésuites poussèrent la maladresse jusqu’à faire des réjouissances publiques, à tenir leurs collèges fermés pendant quelques jours, à faire de très-belles illuminations. […] Ce même Arnauld, si zélé pour sa cause, poussé d’ailleurs par ses ennemis, avançoit tous les jours quelque proposition singulière.

1220. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Cousin a donc enlevé et conquis en plein soleil Mme de Longueville, et il ne s’est pas tenu à ce coup de maître, il a poussé plus loin sans se croire le moins du monde infidèle : il en a affiché bien d’autres, et, en dernier lieu, on a revu, grâce à lui, par les chemins, galopant par monts et par vaux, cette autre brouillonne adorable en son temps, Mme de Chevreuse. […] Sans sortir du point de vue littéraire, j’ai pu faire cette remarque ; par exemple, lorsqu’on étudie Boileau et qu’on le compare avec ses frères, dont l’aîné et très aîné Gilles était déjà un satirique, et dont Jacques, celui qui ne précédait Nicolas que d’un an, poussait l’humeur railleuse jusqu’à la charge et au grotesque : Nicolas, venu après ses deux frères, qui semblent deux ébauches de lui-même, l’une inachevée, l’autre exagérée, où s’essayait par avance la nature, en est plus nettement défini.

/ 2003