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20. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

Elle n’avait pas même besoin de la tendre pour qu’elle y tombât, spontanément offerte qu’elle était, cette aumône, par la foi et l’enthousiasme fraternel des premiers Chrétiens ! […] Ce gouvernement temporel, qu’on rêve de supprimer, se reformerait comme à l’origine de la société chrétienne, tant il est nécessaire à cette société pour qu’elle soit, et tant, sans ce pouvoir temporel, il est impossible à la raison même de concevoir cette société ! […] Double raison, du reste, pour que ce livre n’ait pas mordu sur la pensée contemporaine, à qui il faut impérieusement des livres retentissants et gesticulateurs. […] il a fallu l’accident d’un des derniers poèmes de Hugo, pour que j’allasse chercher dans son désert cet érudit musclé, qui est venu lui montrer, à lui, le grand verbeux, comment on brasse l’Histoire quand on se soucie peu de faire mousser la Renommée, cette vile écume !

21. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »

Il est trop penseur et trop artiste pour que le type du prêtre ne l’attire pas, et il l’a, je crois, touché plus d’une fois dans ses œuvres. […] La petite Convenance, cette Blême que Ferdinand Fabre ne devrait pas connaître, lui a lié le poignet avec son bout de fil et l’a empêché d’accomplir un mouvement qu’il fallait pousser à outrance, pour qu’il fût très beau. […] L’esprit moderne nous rabougrit donc tous, pour que les forts, les bien portants, les bien organisés, aient de ces faiblesses ? […] Ses colères de porcher, s’il en eut, lui, il les boucla et les ardillonna sous son froc de capucin, et il sut jouer cette comédie de la vieillesse, que Capdepont n’aurait pas jouée, qui faisait dire au cardinal San Severino, plus jeune que lui de quelques années, car il ne faut que quelques années de moins sur la tête pour qu’un sot se fasse méprisant : « Ne nous opposons pas à ce pauvre vieux, parce que nous serons les maîtres ! 

22. (1910) Rousseau contre Molière

Fabre voit gros ; mais ce n’est pas une raison pour qu’il voie faux, et même c’en est une pour qu’il voie juste. […] Il le faut pour qu’à les peindre, Molière assouvisse sa haine contre lui. […] Je vois, tout compte fait, plus de raisons pour que Rousseau ménage Tartuffe, qu’il n’y en aurait pour qu’il l’attaquât. […] Il y avait peu de raisons pour que Rousseau y songeât ; car ce n’est qu’une farce ; il n’y en avait guère pour qu’il l’attaquât. […] Arnolphe, vieux relativement à Agnès, l’a laissée ignorante et idiote pour qu’elle l’aimât.

23. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vandeputte, Henri (1877-1952) »

Il ne suffit pas d’avoir un don charmant parfois d’exubérance balbutiante, une sensibilité délicate et puérile, faut-il encore avoir assez d’art pour que leur expression puisse prétendre à quelque beauté, à quelque harmonie. […] Van de Putte manque trop souvent de goût artistique pour que ses poèmes atteignent à la perfection qu’on leur voudrait voir et que lui-même leur suppose.

24. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Avertissement »

Beaucoup de jeunes gens ont trop de pente à laisser leur mémoire faire la tâche de leur intelligence, pour qu’on leur offre encore ici cette tentation. […] J’ai voulu fournir à de jeunes esprits l’occasion de réfléchir sur les moyens par lesquels ils pourront donner à leurs écrits la bonté qu’ils ont dû rêver souvent et désespérer d’atteindre, sur les meilleures et plus courtes voies par où ils pourront se diriger à leur but et nous y mener ; leur inspirer des doutes, des scrupules, des soupçons d’où leur méditation pourra tirer ensuite des principes et des certitudes, sur toutes les plus importantes questions que l’écrivain doit résoudre et résout, bon gré mal gré, sciemment ou non, par cela seul qu’il écrit d’une certaine façon ; donner le branle enfin à leur pensée, pour que, s’élevant au-dessus de l’empirisme, ils cherchent et conçoivent la nature et les lois générales de l’art d’écrire, pour qu’ils développent en eux le sens critique, et que, mettant la conscience à la place de l’instinct, ils arrivent à bien faire en le voulant et en le sachant.

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