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1336. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Mais aussi depuis trente ans ne s’y était-il jamais vu de jeune personne, et, pour qu’un jeune homme y demeure, sa famille doit-elle lui faire une bien maigre pension. […] Vous y verriez un baromètre à capucin qui sort quand il pleut, des gravures exécrables qui ôtent l’appétit, toutes encadrées en bois noir verni à filets dorés ; un cartel en écaille incrustée de cuivre ; un poêle vert, des quinquets d’Argand où la poussière se combine avec l’huile, une longue table couverte en toile cirée, assez grasse pour qu’un facétieux externe y écrive son nom en se servant de son doigt comme de style, des chaises estropiées, de petits paillassons piteux en sparterie qui se déroule toujours sans se perdre jamais, puis des chaufferettes misérables à trous cassés, à charnières défaites, dont le bois se carbonise. […] Son embonpoint ne détruisait ni la grâce de sa taille, ni la rondeur voulue pour que ses formes demeurassent belles quoique développées.

1337. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

S’il avait vécu assez longtemps pour qu’un peu de ma prose parvînt jusqu’à lui, j’aurais voulu, après quelque article où il m’aurait traité de simple Galuchet, le prendre à part et lui dire : — Non, je vous jure, ce ne sont point « mes passions » qui m’ont ravi la foi : je ne leur obéis pas toujours ; et, en tout cas, le prêtre m’absoudrait si j’avais la volonté de mieux vivre. […] Considérez que je suis justement dans l’état où fut, assez longtemps encore après votre conversion, votre frère Eugène que vous aimiez tant, et qui, je suis tenté de le croire, se convertit, d’abord, un peu pour vous faire plaisir et pour que vous le laissiez tranquille. […] , Dieu a créé la plupart des hommes, non sans doute pour qu’ils fussent damnés, c’est-à-dire éternellement méchants et malheureux, mais sachant qu’ils le seraient.

1338. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Bien des gens auraient désiré le rétablissement de l’Inquisition, pour qu’on pût brûler l’œuvre et son auteur. […] Il avait compris que son œuvre était trop considérable pour que la scène pût en être un milieu de pure fantaisie ; comme il se proposait aussi de toucher à toutes les questions débattues aujourd’hui, il choisit comme cadre l’histoire de l’empire, dont il attaque bravement l’origine pendant que Napoléon régnait encore. […] Au fond, ce n’est que justice ; mais la justice n’est pas une vertu assez courante pour qu’on passe sous silence les actions honnêtes qu’elle inspire.

1339. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Tantôt, au contraire, on fait des processus imaginatifs autant d’effets mécaniques de la perception présente ; on veut que, par un progrès nécessaire et uniforme, l’objet fasse surgir des sensations, et les sensations des idées qui s’y accrochent : alors, comme il n’y a pas de raison pour que le phénomène, mécanique au début, change de nature en route, on aboutit à l’hypothèse d’un cerveau où pourraient se déposer, sommeiller et se réveiller des états intellectuels. […] Cela suffit-il pour que je les entende ? […] Pour que le souvenir du mot se laisse évoquer par le mot entendu, il faut au moins que l’oreille entende le mot.

1340. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Je sais trop, pour qu’on soit obligé de me le rappeler, qu’en poésie les individualités seules existent et, qu’à tant faire que de vouloir fonder des classes, le mieux est encore de retourner s’asseoir sur les bancs de l’école. […] Trop d’autres illustres, trop d’autres, mes maîtres, ont offert des modèles définitifs du genre, pour que je me permette de les ignorer. […] « Il y a des choses trop complexes, à la fois trop étendues et trop indivisibles, pour qu’elles puissent être présentées à la conscience par des procédés dialectiques… C’est donc pour réparer l’insuffisance du langage et quand nous avons besoin d’embrasser les choses avec toute l’âme, que nous recherchons les symboles : grâce à eux seulement nous pouvons arriver à cet état appelé « mystique », qui est la synthèse du cœur, de la raison et des sens. » Récéjac, op. cit.

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