/ 2214
833. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Une fois cette conviction acquise (et cela n’est pas discutable), nous pouvons faire philosophiquement les autres conjectures les plus vraisemblables et les plus saintes, pour nous expliquer, autant que possible, à nous-mêmes, cette inexplicable existence de brièveté de misères, de mort et de ténèbres, à laquelle Dieu nous a appelés à son heure sur ce point imperceptible de ses univers. […] Pour que cette réhabilitation fût possible, il fallait que l’homme fût libre de mériter sa réhabilitation et son immortalité dans une autre vie. […] Pour que ce combat, dont l’immortalité est le prix, fût possible, il fallait qu’il y eût assez de ténèbres sur notre âme pour autoriser le doute, assez de lueurs pour éclairer la foi. […] N’existant plus dans l’homme, le péché aurait cessé d’être possible, et la sainteté aurait cessé d’être méritoire.

834. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Mais, à côté de ces œuvres, qui veulent soutenir une thèse, combattre des idées, en un mot exercer une action, ne croyez-vous pas qu’il y a place pour le roman d’art, lequel ne songe qu’à divertir le lecteur, à lui faire passer une heure agréable, en lui racontant, dans la meilleure langue possible, une histoire, véridique ou non, dont tout l’intérêt est dans le beau décor d’art ou de nature qui l’enveloppent ? […] Il aurait fait école…   Pierre de Querlon : « mort si prématurément le 7 juin 1904 à l’âge de vingt-quatre ans, laissa la matière de trois volumes… Vivre peu, vivre bien, intensément, se condenser en un art très pur de fond et de forme, très humain, mais aussi élégant que possible (car il n’avait pas le temps de commettre des fautes de goût), telle était la religion de cet écrivain charmant. […] — Nous n’ignorons pas qu’il nous eut été possible d’obtenir peut-être un classement de la plupart des écrivains d’aujourd’hui en tenant compte de leurs goûts ou des influences subies. […] Ce classement serait possible qui diviserait ainsi les romanciers ; par exemple : La Suite de Mérimée, la Suite de Stendhal, l’École de Gérard de Nerval, les Lecteurs de Restif de la Bretonne, La suite de Flaubert, etc… De pareilles divisions ont l’avantage de manifester autant l’érudition et la perspicacité du critique que le manque d’originalité des auteurs.

835. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

., se trouvent toujours, ne semblent pas indiquer qu’en créant les animaux l’Être suprême n’a voulu employer qu’une idée, et la varier en même temps de toutes les manières possibles, afin que l’homme pût admirer également et la magnificence de l’exécution et la simplicité du dessein. […] Magdeleine de Saint-Agy, on trouve une appréciation étendue de Buffon, et les critiques qu’on a cru devoir lui faire sur ses systèmes hasardés sont rachetées par cette conclusion éloquente : Mais, en compensation, il a donné par ses hypothèses mêmes une immense impulsion à la géologie ; il a le premier fait sentir généralement que l’état actuel du globe est le résultat d’une succession de changements dont il est possible de saisir les traces ; et il a ainsi rendu tous les observateurs attentifs aux phénomènes d’où l’on peut remonter à ces changements.

836. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Il est possible à tout le monde aujourd’hui de se bien représenter le genre d’existence et le caractère du bon Maucroix, qui est un des derniers types, et les plus polis, de la grâce et de la naïveté du vieux temps. […] Quand Maucroix traduisait dans son français large, facile et pur, les homélies d’Astérius ou de saint Jean Chrysostome et un traité de Lactance qu’on venait de recouvrer, il faisait certainement quelque chose d’aussi contraire que possible à certains petits vers qu’on a de lui ; et pourtant il n’était pas hypocrite, il ne parodiait rien en idée, il payait une dette publique à l’état qu’il avait embrassé et à des croyances qu’il n’avait jamais songé à mettre en question.

837. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Feuillet de Conches font déjà connaître et dont la publication plus entière deviendra possible avec les années, formera un livre qui se placera tout naturellement à côté du recueil des lettres du Poussin, celui de tous les peintres de qui Léopold Robert relevait le plus, et dont il écrivait à un ami : J’ai été enchanté de me rapprocher autant avec vous pour ce que vous me dites du Poussin. […] Ingres, duquel on le rapprochait assez naturellement, qu’il admirait comme le modèle des artistes, comme l’artiste de ce siècle le plus classique, et à qui il ne se laissait comparer qu’avec résistance et réserve, il marquait cependant la différence essentielle qui les séparait : Ingres plein de science, d’étude de l’Antiquité, cherchant l’idéal même par le souvenir historique, surtout par la poésie et par l’imagination, et dans la trace de Raphaël, de Phidias ou d’Homère ; et lui, Léopold, n’y voulant arriver, si c’était possible, que par la nature.

/ 2214