Tandis que, sous la Restauration, on aimait surtout dans Talma finissant et grandissant un novateur, une espèce d’auteur et de poëte dramatique (et non, certes, le moindre), qui rendait ou prêtait aux rôles un peu conventionnels et refroidis de la scène française une vie historique, une réalité à demi shakspearienne, — il arrive que ce qu’on a surtout aimé dans notre jeune et grande actrice, ç’a été un retour à l’antique, à la pose majestueuse, à la diction pure, à la passion décente et à la nature ennoblie, à ce genre de beauté enfin qui rappelle les lignes de la statuaire. […] La première règle à se poser, dans cette série recommençante, serait de se garder de cette sorte de sévérité qui naît moins du fond des choses que du contraste et du désaccord entre les espérances exagérées et le résultat obtenu.
A cela près, et nos réserves une fois posées, personne plus que nous ne rend hommage à cette multitude de traits fins et solides, de descriptions artistement faites, à cette moquerie tempérée, à ce mordant sans fiel, à cette causerie mêlée d’agrément et de sérieux, qu’on trouve dans les bonnes pages de Boileau9. […] Cousin, à propos de Pascal, posait en principe, au sein de l’Académie, qu’il était temps de traiter les auteurs du siècle de Louis XIV comme des anciens ; et l’Académie applaudissait. — Il est vrai que dans ce second temps et depuis qu’on est entré méthodiquement dans cette voie, on s’est mis à appliquer aux œuvres du xviie siècle tous les procédés de la critique comme l’entendaient les anciens grammairiens.
Au reste, il isole ces œuvres, néglige le plus souvent la personne même des écrivains ; ou, s’il en parle, c’est pour leur attribuer, au nom du libre arbitre, le mérite ou le déshonneur d’avoir servi ou trahi l’idéal littéraire dont il a posé au commencement la définition. […] Il le faut, afin qu’un jour, devant le mal qu’il a fait, il soit pris d’épouvante et touché jusqu’au fond du cœur, et qu’il sente s’éveiller en lui le chrétien, et que la question de la responsabilité morale et toutes les autres du même ordre se posent de nouveau pour lui, et qu’il voie, dans un éclair, toute la misère de la vie — et tout son mystère.
En un mot, on se pose, bon gré, mal gré, cette question : Jeanne d’Arc peut-elle s’expliquer comme un personnage naturel, héroïque, sublime, qui se croit inspiré sans l’être autrement que par des sentiments humains ? […] Mais quand on a posé toutes ces réserves, on doit, pour être juste, reconnaître que M.
Sophie, la fille de boutique, prend un chapeau et le pose ridiculement sur sa tête : Madame, qui est-ce qui met son chapeau comme cela ? […] Là même où il pourrait paraître quelque charge, comme dans le proverbe de Madame Sorbet, la limonadière coquette et sentimentale, qui se pose en veuve désolée et qui ne pleure si haut son premier mari que pour en mieux attirer un second, que de traits pris sur la nature !