/ 2374
293. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

Pendant cet entretien, nous nous trouvâmes tous les deux à la porte Saint-Pierre, sans nous en être aperçus. Tiens, dis-je au Tasse, c’est Dieu qui nous a conduits à cette porte qui mène à Rome ! […] Jeune, fort, intrépide, il renverse une partie de cette escorte ; Pulci, en caracolant devant la porte de Penthésilée, se casse la jambe, et meurt de sa blessure. […] Étant sortis de là, nous nous en allâmes à travers le Campo Santo, et l’église de Saint-Pierre ; et, par le derrière de celle de Saint-Ange, nous arrivâmes, non sans beaucoup de peine, à la porte du château. […] Qu’on le porte sous le jardin, et qu’on ne me parle plus de lui, car il serait cause de ma mort.

294. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

Va, Moran, prends ma lance, et frappe sur le bouclier sonore de Caïrbar, il est suspendu à la porte bruyante de Tura. […] Fils d’Arno, monte la colline et porte tes regards sur la noire surface des bruyères. » « Arno part et revient éperdu. […] Le char de bataille, le rapide char de Cuchullin, vient comme un tourbillon enflammé qui porte la mort. […] Lève-toi, vénérable Carril, et porte mes paroles à Swaran. […] « Fingal les suit à pas lents et s’avance comme un nuage qui porte la foudre, lorsque les plaines brûlées par l’été sont dans le silence.

295. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Sur une corne étrusque du Vatican, on voit sa double figure : l’Hermès du matin est imberbe, l’Hermès du soir porte une longue barbe, signe de la vieillesse du jour déclinant. […] Messager céleste, il précède les dieux et il les annonce ; ambassadeur aérien, il porte leurs messages et leurs paroles aux mortels. […] On leur prêtait des amours furtifs : dans un de ces retours rapides, la captive reconnaissante s’était donnée, disait-on, au dieu qui lui rouvrait les portes du jour. […] C’était lui qu’ils invoquaient comme protecteur des méfaits nocturnes, lui qui leur ouvrait les portes de la maison convoitée, et qui endormait ses chiens vigilants. […] La montagne souffre des coups du tonnerre, et elle en porte les marques ; mais son sommet, à peine entamé, survit aux mille éclairs qui l’ont foudroyée.

296. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Enfin il se lève avec effort de son fauteuil, et passant la porte me jette d’une voix câline : « Vous m’inviterez une autre fois encore, hein ?  […] Un dessin d’un grand caractère est l’interprétation de la parole : « Vous suivrez un homme qui porte une Cruche », — un homme à la robe jaune, gravissant au jour tombant, la montée qui contourne le rempart, et qu’en bas du dessin, un apôtre désigne à un autre. […] Un premier acte, où l’on n’entend pas un mot, dans l’ouverture des portes, le remuement des petits bancs, le passage des abonnés, — tous des cabotins, — venant à la façon des dîneurs qui veulent être remarqués, venant en retard. […] Le condamné, apparaissant au seuil de la porte de la Roquette, comme une figure de cire, avec son apparence de vie figée, et dans le silence qu’il appelait formidable, toujours un oiseau qui chante, et dont le chant est dans ce silence, comme le bourdon de Notre-Dame, et au loin, au loin, l’entre-claquement imperceptible de branches d’arbres. […] Éloge que Dupré coupe au milieu, par cette phrase : « Je dois vous déclarer que les trois tableaux que vous avez le plus loués, ne sont pas de moi… ils sont d’un jeune homme chez lequel il faut que je vous mène. » Le jeune homme était Rousseau, et Corot sortant du pauvre atelier de Rousseau, disait à Dupré : « Derrière cette petite porte, il y a notre maître à tous les deux ! 

297. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

En revanche, Rohan se plaît fort à célébrer une action héroïque de sept soldats de Foix qui, s’enfermant dans une bicoque auprès de Carlat, arrêtèrent le maréchal et toute son armée deux jours entiers, et, après lui avoir tué plus de quarante hommes, se sauvèrent au nombre de quatre ; trois sur les sept, trois proches parents, voulurent demeurer et se sacrifier, parce que l’un était blessé et hors d’état de sortir : « Ainsi les quatre autres, dit Rohan, à la sollicitation de ceux-ci et à la faveur de la nuit, après s’être embrassés, se sauvent, et ces trois-ci se mettent à la porte, chargent leurs arquebuses, attendent patiemment la venue du jour, et reçoivent courageusement les ennemis, desquels en ayant tué plusieurs, meurent libres. » Ce sont là les seuls éclairs du récit chez Rohan, qui voudrait bien assurer aux noms de ces braves soldats une immortalité dont il n’est pas le dispensateur : il fallait de certains échos particuliers, et qui ne se retrouvent pas deux fois, pour nous renvoyer les glorieux noms qui ont illustré les Thermopyles. […] Dès cette partie de son récit on peut remarquer la plainte ordinaire que fait Rohan de la versatilité, de l’impatience et du peu de justice des peuples, de l’ingratitude qui est « l’ordinaire récompense des services qu’on leur rend » ; de leur humeur qui les porte à être « aussi insolents en prospérité qu’abattus en adversité ». […] Après les perplexités et les partages d’esprit où M. de Rohan convient lui-même avoir été au début de cette troisième guerre, et qu’il trahissait quelquefois dans sa conduite, on concevra le jugement sévère et irrité que porte de lui Richelieu : Ce misérable Soubise, s’écrie-t-il avec indignation (car il ne sépare pas les deux frères), dont le malheur, l’esprit et le courage sont également décriés, n’ayant autre art pour couvrir ses hontes passées que de s’en préparer de nouvelles, sollicite en Angleterre. […] Richelieu et son ardeur en cette périlleuse entreprise, l’affection qu’il met aux choses et qui le consume, éclatent en mille traits de feu dans son récit : Cependant, dit-il en un endroit, tandis que le cardinal employait tout l’esprit que Dieu lui avait donné à faire réussir le siège de La Rochelle à la gloire divine et au bien de l’État, et y travaillait plus que les forces de corps que Dieu lui avait départies ne lui semblaient permettre, on eût dit que la mer et les vents, amis des Anglais et des îles, s’efforçaient à l’encontre et s’opposaient à ses desseins… Prendre La Rochelle avant toute chose, promptement et sans rémission cette fois, c’est là son idée fixe ; c’est, selon lui, le premier remède à tout, et il y faut employer tous les moyens, toutes les inventions imaginables sans en omettre aucune ; car « de la prise de La Rochelle dépend le salut de l’État, le repos de la France, le bonheur et l’autorité du roi pour jamais. » Y aura-t-il un État dans l’État, un allié naturel et permanent de l’étranger parmi nous, un port et une porte ouverte aux flancs du royaume ?

/ 2374