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526. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Les faits que nous connaissons de l’histoire politique, sociale et religieuse, sont souvent difficiles à interpréter, d’abord à cause de leurs propres lacunes, et ensuite parce que notre information est d’origine presque exclusivement cléricale. […] La sotie et la moralité sont du théâtre laïque, moralisateur, satirique, politique ; le même esprit se retrouve jusque dans le théâtre religieux, où nous voyons trop exclusivement l’élément clérical. […] En politique, après Richelieu et Mazarin, Louis XIV ; en littérature, l’Académie et Boileau ; en religion, la défaite du protestantisme, dont la Révocation n’est que le dernier acte ; en philosophie, Descartes. […] L’insuffisance du principe directeur explique l’anarchie générale et aussi les essais de réaction catholique ou théosophique, politique et sociale. […] Avant Taine, et surtout depuis lui, on a parlé des rapports intimes qu’il y a entre l’art d’un pays et ses conditions politiques et sociales ; je crois avoir ici démontré ces rapports avec une rigueur mathématique.

527. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Après la mort de Louis XIV, les mêmes abus n’étant plus défendus par le même pouvoir, la réflexion s’est tournée vers les questions qui intéressaient la religion et la politique ; et la révolution des esprits a commencé. […] Il a analysé toutes les questions politiques sans enthousiasme, sans système positif. […] On aperçoit déjà les premières nuances du grand changement que la liberté politique doit produire dans la littérature, en comparant les écrivains du siècle de Louis XIV et ceux du dix-huitième siècle : mais quelle force le talent n’acquerrait-il pas dans un gouvernement où l’esprit serait une véritable puissance ? L’écrivain, l’orateur se sent exalté par l’importance morale ou politique des intérêts qu’il traite.

528. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Il a pensé et il a dit — en d’autres termes peut-être, mais il a positivement dit, — que l’André Chénier qu’on trouverait dans son livre serait moins le Chénier poète, dont la gloire est faite et n’a plus besoin qu’on y touche, que le Chénier politique, — l’homme d’action et de courage qui a presque disparu dans l’absorbante gloire du poète, et qui était pourtant dans le poète, dans cet être charmant d’une imagination si divine ! […] Par l’élévation de son âme et la nature des opinions politiques de son esprit, M.  […] Avant Chénier, ou plutôt avant la Révolution française, le journalisme politique, à proprement parler, n’existait pas. Grâce à Fréron et à Grimm, l’un dans son Année littéraire, l’autre dans sa Correspondance, le journalisme était né en littérature ; mais pour qu’il devînt le journalisme politique, le journalisme tel que le conçoit et l’a réalisé l’esprit moderne, il fallait que la Révolution éclatât.

529. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Il en a fait un homme politique, un de ces cuisiniers de révolutions et de gouvernements impossibles, qui empoisonnent la France depuis près d’un siècle… Le journalisme, qui, si l’on n’y prend garde, donne de si mauvaises habitudes à la pensée, a donné à Pelletan tous les défauts qui sautent aux yeux dans son nouveau livre : l’inconsistance, la frivolité, les passions de parti et leurs faux jugements et leurs injustices, et surtout cette terrible et misérable faculté de se monter la tête, de suer à froid, comme disait Beaumarchais, en parlant des avocats, ces journalistes du bec comme les journalistes sont les avocats de la plume, et de se faire illusion à soi-même pour mieux faire illusion aux autres. […] Au moins il y avait là une idée, sinon un système, un essai de philosophie, malheureux, j’en conviens, défaillant, impossible à organiser, mais qui montrait dans les tendances de son auteur des besoins de zénith et d’horizon que sa pensée, ramenée sur la terre par la politique au jour le jour, ne connaît plus… Pelletan était jeune encore dans ce temps-là ; plein d’un enthousiasme, qui avait l’excuse de son inexpérience, pour des idées qui lui paraissaient généreuses. […] Le livre de Pelletan vaut cependant mieux que cette introduction, qui ne serait que du radotage politique si elle n’avait pour caractère d’être aussi enragée qu’elle est frivole. […] Il n’a forfait ni à sa foi religieuse, ni à sa foi politique, qui n’étaient pour lui qu’une même foi.

530. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Pour eux, Vincent de Paul doit être un homme d’État, et s’ils veulent bien y prendre garde, il doit l’être dans l’acception la plus politique de ce mot. […] Malgré une politique que n’approuvait pas Vincent, et que son historien juge avec la même rigueur que lui, Richelieu — par cela seul qu’il était Richelieu — connaissait l’importance morale et politique de ce clergé dont il faisait partie. […] D’autres viendront peut-être encore qui lui reprocheront d’avoir fait perler la goutte de sainte lumière qu’il y jette sur la politique de Richelieu et de Mazarin.

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