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1215. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Henri Martin, qui aime l’égalité civile et politique, doit aimer toutes les égalités, car il ne peut dominer rien. […] Leroux fait la guerre, dans sa spécialité, et n’est pas tenu à justice, il n’est juste jamais que petitement, et toute grande politique lui échappe.

1216. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

Forgues a donné, lui, tout ce qu’il a pu de cette correspondance qui, malheureusement, s’arrête de 1839 à 1840, c’est-à-dire au curieux moment où Lamennais, âgé de plus de cinquante ans et cessant d’être ce qu’il avait été jusque-là, venait de publier ces Paroles d’un croyant que, dans la cécité de son illusion, il croyait un livre exclusivement politique, et qui firent l’effet, quand elles parurent, d’une torche dans un champ de blé. […] Or, il n’existe plus de mariage en politique : les souverains et les nations vivent ensemble, voilà tout ! 

1217. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

Il avait renoncé de bonne heure au plaisir de les rencontrer sur la terre plate de la politique, pour ne plus avoir affaire à eux que là où ils étaient moins dégoûtants et moins malpropres, — dans la tenue obligée de gens du monde et sur le parquet des salons. […] Lui qui sortait de l’Angleterre, que, par parenthèse, il n’aima jamais qu’à Paris, pour se débarbouiller de la politique, du spleen et du cant, il fut presque attrapé, ce dandy !

1218. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

Locke, sorti de Bacon, est le créateur de cette étroite philosophie de la sensation, qui a créé à son tour le sensualisme corrompu et corrupteur du xviiie  siècle, et Bacon, lui, le créateur de l’expérimentalisme, a créé encore, par-dessus la tête de Locke, ce Darwin qui a remplacé la métaphysique par de l’histoire naturelle, Darwin qui, en philosophie, a le même mérite que de Luynes, l’éleveur de pies-grièches, en politique. […] Ils furent puissants à dégoûter du peuple chez lequel ils eurent cette puissance… Ils eurent l’influence et même parfois le pouvoir, et la plupart : Zénon, Mélissus, Antiphron, furent des hommes politiques ; d’autres, des amiraux et des ambassadeurs : — Mélissus encore, Gorgias, Hippias et Prodicus… Et ce n’étaient, au fond, pourtant, que des avocats, des vendeurs de paroles, qui vivaient de leurs paroles, les faisant payer comme nous payons le chant de nos ténors… C’est toujours du son qu’on achète !

1219. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Elle a eu de grands poètes, de grands artistes, des hommes politiques à la manière de Machiavel, comme furent Talleyrand et Fouché, des observateurs scientifiques de la force de Cuvier et de Geoffroy Saint-Hilaire, et par-dessus tout elle a eu Napoléon, un homme taillé comme un diamant de plusieurs côtés différents, et par tous jetant le feu et la lumière, — Napoléon, l’homme le plus étonnant dans le fait qui ait peut-être jamais existé ; — mais de métaphysicien égal à ces esprits supérieurs dans sa spécialité transcendante, il faut le dire, pour apprendre aux philosophes à être modestes, le xixe  siècle et la langue française n’en ont point encore. […] De Bonald, qui a beaucoup plus de structure dans ses œuvres et dans sa pensée, aurait peut-être été le métaphysicien de son époque, s’il n’avait pas étriqué un esprit fait pour tout embrasser dans les préoccupations de la politique et dans des aperçus trop fins qui rappellent bien souvent, avec un fond d’idées contraires, la manière grêle et brillantée de Montesquieu.

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