Elle est renfermée dans des souvenirs plus saintement limités ; écho de la prière, elle est contenue dans l’enceinte du temple ; mais, là même, elle trouve la variété poétique dans la succession rapide des sentiments, tour à tour élevés jusqu’aux cieux, ou atterrés par la douleur et la honte. […] Si l’esprit ne devait pas se défier des parallèles cherchés trop loin, le chant du législateur hébreu en réponse à l’ingrate anxiété de son peuple, ce gouvernement des hommes par l’enthousiasme poétique, nous rappellerait l’élégie de Solon récitée au peuple athénien, et comment, avec des accents poétiques, il changeait les résolutions et apaisait ou enflammait les âmes. […] Nul doute qu’une éducation à part, la plus sévère, la plus abstinente, la plus morale, la plus poétique, préparait ces hommes ; et, si quelquefois le même don de sagesse et d’enthousiasme, que l’éducation développait en eux, se trouvait ailleurs perdu et comme enfoui dans une existence grossière, là encore parfois il s’éveillait, sous quelque coup du sort et quelque ressentiment des maux de la patrie, comme nous l’atteste l’exemple du prophète Amos, enlevé à ses travaux rustiques pour avertir un roi corrompu d’Israël et protester contre l’idolâtrie de Damas et le schisme de Samarie.
La moderne école poétique française, qui s’était plus d’une fois essayée sur Shakespeare, ne pouvait entièrement négliger Dante. […] Ozanam, doué d’enthousiasme, et les yeux dirigés vers un soleil qui l’éclairait plus vivement sur quelques points, et qui l’éblouissait peut-être sur quelques autres, a porté l’admiration plus loin qu’il n’est donné à de moins ardents de la concevoir et de la soutenir pour ces formes si compliquées de l’esprit humain au Moyen Âge : il a du moins rassemblé tout ce qui peut aider à faire mieux comprendre le monument poétique dans l’explication duquel il a gravé son nom. […] Il y a une part à faire, en toute production plus ou moins ancienne, à ce qui est des mœurs, des coutumes, des particularités religieuses ou même de certaines conventions poétiques, et le beau immortel ne se dégage pour nous qu’après quelque effort et quand on s’est remis au point de vue.
Grâce à cette liberté d’allure qu’il a eue à toutes les époques, et qu’on lui a concédée en tant que genre sans conséquence, le roman a prospéré, fleuri, fructifié, et il s’est vu capable, presque dès sa naissance, de prendre toutes les formes, — sentimentale, pastorale, poétique, chevaleresque, historique, ironique, satirique, allégorique, descriptive, morale, passionnée. […] Il est certes des natures merveilleusement douées en naissant, des êtres (surtout femmes) revêtus de dons singuliers, d’aspirations pures, tendres, poétiques, idéales, et qui semblent vouloir glisser, s’élever au-dessus de la terre : ici, chez Sibylle, cette faculté éthérée, cette tendance au sublime est jointe à une fermeté de volonté qui devient le trait caractéristique et qui, dans plus d’un cas, ira jusqu’à la dureté. […] Sibylle, je l’admets, est une imagination poétique, un génie naturel comme il s’en rencontre, hardi, élevé, plein d’essor : quand le curé veut lui apprendre son catéchisme, elle raisonne, elle veut savoir le pourquoi des choses ; elle force le bonhomme à se remettre à ses auteurs et à étudier.
Sa personnalité poétique s’y dessine mieux que dans les thèmes généraux de la satire hebdomadaire qu’ils étaient deux à fabriquer. […] Pour nous, le Pierre Veyrat digne qu’on s’occupe de lui et qu’on transmette sa mémoire ne date que de cette régénération morale et poétique. […] Veyrat n’est pas seulement une des figures poétiques, c’est une des âmes, un des témoins de ce temps-ci : un Donoso Cortès de la Savoie.
Moréas y saisit l’occasion de démolir la poétique du xixe siècle, estimant Hugo populacier, Baudelaire paradoxal. […] Wilde, désireux de se renseigner sur le mouvement poétique français, sollicitait l’avis de Mendès qui fit l’éloge du Parnasse et déclara que de tous les poètes vivants, Armand Silvestre était le plus digne d’admiration. […] Catulle Mendès a pris hautement la responsabilité des propos que je rapporte en les consignant dans son rapport officiel sur le Mouvement poétique français de 1867 à 1900, paru chez Fasquelle en 1903 et où les sceptiques pourront les retrouver.