Les pièces de théâtre Les poètes dramatiques sont-ils faits pour être lus ? […] Léon Tolstoï fait remarquer, et c’est pour lui un critérium, que Shakespeare est un bien mauvais poète dramatique, puisqu’il n’a qu’un style, oratoire, poétique, lyrique, pour tous ses personnages, d’où conclusion que Shakespeare n’est pas, à proprement parler, un poète dramatique. […] Et enfin, il reste quelque chose de la critique, parce que, à la vérité, Shakespeare a été trop grand poète et particulièrement trop grand poète lyrique pour ne pas, un peu, faire parler ses principaux personnages d’une manière qui ne les distingue pas suffisamment les uns des autres. […] Un des plaisirs encore de la lecture des poètes dramatiques est de distinguer ce qui, comme pensée, est d’eux et ce qui est de leurs personnages. […] On voit qu’une des plus vives jouissances de réflexion dans la lecture des poètes dramatiques est de reconnaître ce qu’ils mettent eux-mêmes dans leurs œuvres.
Mais, quoi qu’elle en dise, et malgré l’effort douloureux pour elle, l’accord nous arrive en mainte rencontre bien vibrant et bien pénétrant, et comme il n’est donné qu’à un vrai poëte de le produire. […] Une année de pension, le second mariage de son père, qui épousa une jeune personne, douée elle même du goût et du talent d’écrire60, apportèrent quelque variété dans l’existence concentrée et casanière de notre poëte. […] La plus longue pièce du volume est le poëme de Peau-d’Ane, et Peau-d’Ane, dans l’intention du poëte, tout en conservant bien des charmantes naïvetés premières, relevées dans un rhythme svelte et élégant, Peau-d’Ane est devenu un mythe. […] L’imprécation sur Florence, que le poëte traduit et développe en la détournant à notre patrie, a conservé sa mâle beauté et atteste combien les espérances patriotiques de ce noble cœur ont essuyé d’amertumes aussi et de désabusements. […] Nous avons pu surprendre le poëte en un moment de plainte ; mais il ne faut rien exagérer, et il n’est pas nécessaire pour l’intérêt du portrait de trop prolonger ce court moment dans toute l’habitude d’une vie.) — Depuis que ceci est écrit, Mme Tastu a de plus en plus persévéré dans cette voie toute de raison et de devoir.
On sait bien ce qu’est un poëte dans ses livres ou dans le monde, et même dans l’intimité ; on ne sait pas, on ne peut savoir ni soupçonner, à moins de l’avoir vu de près, ce que c’est qu’un poëte dans un journal, dans une Revue. […] Chez le poëte le moins enclin à une intervention fréquente, la délicatesse même engendre des susceptibilités particulières, impossibles à prévoir, des facilités de piqûre et de douleur pour un mot, pour un oubli, pour un silence. […] Plus d’un prosateur devient parfois poëte en ce point. […] un poëte dont on a critiqué un sonnet ou un poëme épique, comme nt pardonnerait-il jamais cela ? […] Il s’agissait de l’excellent poëte M.Soumet, qui, tout malade qu’il était de la maladie dont il mourut, s’était laissé entraîner à cette polémique.
Il ne restait plus qu’a le mettre, lui poëte, à la Bastille. […] Il ne dépend, lui poëte, d’aucun ministre. […] Qui lui rendra le public du lendemain, ce public ordinairement impartial, ce public sans amis et sans ennemis, ce public qui enseigne le poëte et que le poëte enseigne ? […] Mais si l’on s’élève plus haut, on verra qu’il ne s’agit pas seulement dans cette affaire d’un drame et d’un poëte, mais, nous l’avons dit en commençant, que la liberté et la propriété sont toutes deux, sont tout entières engagées dans la question. […] Quand cela sera fait, quand il aura rapporté chez lui, intacte, inviolable et sacrée, sa liberté de poëte et de citoyen, il se remettra paisiblement à l’œuvre de sa vie dont on l’arrache violemment et qu’il eut voulu ne jamais quitter un instant.
En vérité, autant vaudrait dire qu’amoureux de dormir, comme il était, il dormit d’un long somme jusqu’à cet âge, et se trouva poëte au réveil. […] En somme, Jean de La Fontaine, maître des eaux et forêts à Château-Thierry, devait passer pour un très-agréable poëte de province, quand un oncle de sa femme, le conseiller Jannart, s’avisa de le présenter au surintendant Fouquet, vers 1654. […] Nous n’avons pas l’intention de suivre plus longtemps la vie de notre poëte. […] C’était, il est vrai, un vieux poëte unique en son genre, et par mille endroits ne ressemblant à nul autre, ni à maître Vincent, ni à maître Clément, ni à maître François ; un vieux poëte, adorateur de Platon, fou de Machiavel, entêté de Boccace, qui chérissait Homère et l’Arioste, oubliait de dîner pour Tite-Live, goûtait Térence en profitant de Tabarin, qu’une ode de Malherbe transportait presque à l’égal de Peau d’Ane, et dont l’admiration vive et mobile, comme celle d’un enfant, embrassait toutes les beautés, s’ouvrait à toutes les impressions, en recevait indifféremment du nord ou du midi, et trouvait place même pour le prophète Baruch, quand Baruch il y avait199. […] Comme poëte, il fut, avons-nous dit, le dernier de son école, et n’eut, à proprement parler, ni disciples, ni imitateurs.